Depuis quasiment six mois, Line se bat contre un cancer du sein, le plus répandu des cancers chez les femmes. En plein octobre rose, mois dédié à la lutte contre cette maladie, Les Intelloes ont interviewé cette femme au caractère bien trempé. Elle a accepté de nous parler de son bras de fer contre la maladie, de ses peurs, et des bouleversements que connaît son corps.

Je m’appelle Line et j’ai 65 ans. Avant d’être à la retraite, je travaillais dans l’administration. J’ai toujours été une femme active, je pratiquais la randonnée, j’allais régulièrement à la salle de sport, je participais à des brocantes le week-end et voyageais de temps en temps.

Un matin de mai dernier, je me suis réveillée avec une douleur dans le sein. J’ai senti une boule. J’avais déjà eu un fibrome et un kyste, mais ça n’avait rien à voir avec ce qui me faisait souffrir.

J’ai senti que quelque chose n’allait pas et je me suis immédiatement rendue chez le médecin qui m’a envoyée passer une mammographie.

“Mon cancer je l’ai maintenant, pas dans trois mois!”

Cette dernière a été très révélatrice : j’avais une tumeur. Avant de pouvoir passer cet examen, j’ai cru que je devrais me rendre à Marseille, tellement les délais étaient longs, surtout dans les hôpitaux publics. Cela donne envie de répondre: “Mon cancer je l’ai maintenant, pas dans trois mois!”

J’ai appelé tous les cabinets des Pages Jaunes, et j’ai eu la chance d’en trouver un qui m’a proposé un rendez-vous dans le privé rapidement, pas trop loin de chez moi.

Tant que je n’avais pas fait de mammographie, je tentais de me persuader que je n’avais rien. De plus, le radiologue ne communique pas le diagnostic de l’examen, il faut donc attendre de voir le médecin avant que le verdict ne tombe. Cependant, lorsqu’il m’a prescrit une biopsie, j’ai réalisé que c’était grave. C’est au moment où tu attends le résultat que tu ressens toutes les angoisses et les peurs. Et cela, pendant 15 jours!  

Après ce délai, l’oncologue m’a bien confirmé que j’avais un cancer du sein. Il était assez pressé, car ce dernier était virulent. En juin, j’ai subi une intervention. J’avais très peur, peur de tout: je voulais qu’on me débarrasse de la tumeur, et en même temps je me demandais ce qu’ils allaient trouver pendant l’opération. J’étais effrayée à l’idée de devoir être traitée par chimiothérapie. Mes craintes étaient fondées puisqu’entre la mammographie et l’opération, un deuxième foyer s’est développé. L’oncologue m’a annoncé que 15 séances de chimiothérapie seraient nécessaires, puis qu’il faudrait passer à la radiothérapie. Ce traitement m’a semblé très lourd.

En colère contre le monde entier

Une seconde opération a été nécessaire pour poser un port-à-cath (PAC), une chambre servant à injecter le traitement de la chimiothérapie, directement reliée au coeur. Ce sont des substances très agressives, il vaut donc mieux éviter de les introduire directement dans les petites veines comme celles du bras, par exemple. Ce PAC est utilisé  à chaque séance de chimiothérapie.

Apprendre que tu as un cancer, c’est un boulet de canon qui te rentre en plein dedans! C’est la peur de la mort, de la déchéance, l’angoisse de perdre ceux que tu aimes, ou de leur faire de la peine. J’étais en colère contre le monde entier : contre les médecins, contre mon corps, contre moi-même.Je me sentais aussi vulnérable, j’ai pensé que j’allais devenir dépendante de mes proches.

Sexualité différente

Après les deux opérations et le traitement, je peux rester femme malgré ce sentiment d’avoir été mutilée. J’ai perdu mes cheveux et mes poils, j’ai une cicatrice au sein. Ma sexualité est différente, j’ai moins envie de faire l’amour qu’auparavant. J’ai conscience que c’est parce que le cancer m’occupe beaucoup l’esprit, et que cela est également dû aux effets secondaires du traitement.  Mon mari ne peut plus me toucher la poitrine car je suis très sensible, mais d’autres caresses peuvent être faites. Il ne m’a jamais vue sans ma perruque. J’évite moi-même de trop me regarder dans le miroir lorsque je ne la porte pas.

Je ne m’accepte pas, et il est donc difficile pour moi d’imaginer que les autres vont m’accepter ainsi. Mais je ne me plains pas, car certaines femmes connaissent bien pire, comme l’ablation du sein.

Image positive 

Il est indispensable pendant la maladie de prendre du temps pour soi, surtout si l’on veut se battre et rester femme. Je ne veux pas passer ma journée en pyjama, ou mal arranger ma perruque. Cela me renverrait une mauvaise image de moi, or, je veux que celle-ci reste positive. Certaines personnes sont seules, et ne sont pas soutenues. Etre entouré, c’est primordial, même si je n’aime pas qu’on m’aide trop. Une fois, j’ai dit à la psy de l’hôpital qu’elle me saoulait, et que si j’avais besoin d’aide, je demanderais!

Quelques petits plaisirs me manquent: je ne peux plus manger des fruits de mer, alors que j’adore ça! Les aliments au lait cru, c’est fini. D’autres deviennent difficiles à digérer, et la viande doit toujours être bien cuite, les fruits et légumes épluchés. Le traitement me donnait à un moment la sensation d’avoir soif en continu, je passais donc mon temps à sucer des glaçons. J’ai envie de me moucher très souvent, ma peau est devenue très fragile et doit toujours être protégée, ainsi que mes ongles.  

Rechutes 

Quand je confie aux gens que j’ai un cancer du sein, certaines réactions me tapent sur les nerfs. J’ai déjà entendu: “Ah! Ca va, ça se soigne bien maintenant. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui encore, c’est une maladie mortelle. A l’hôpital, je croise beaucoup de patientes qui ont fait des rechutes. Les gens ont une image erronée de la maladie. La dernière fois, j’étais à une brocante et une jeune fille se plaignait de souffrir car elle s’était foulé la cheville. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui répliquer: “Oui bah moi, j’ai un cancer, alors zou!”.

Aujourd’hui, j’en suis à ma 9ème séance de chimiothérapie, et j’en fais au rythme d’une fois par semaine. J’accepte beaucoup plus de choses : les effets secondaires de la maladie, les changements de mon corps. J’ai fini par mettre un mot sur les maux car je sais pourquoi je souffre. Je suis épuisée, mais maintenant j’ai le moral.  

Propos recueillis et adaptés par Ann-Laure Bourgeois 

Quelques éléments sur le cancer du sein 

  • 54 000 nouveaux cas chaque année
  • 11 900 décès annuels
  • Les antécédents familiaux sont très importants : une femme dont la mère ou la sœur a souffert d’un cancer du sein présente deux fois plus de risques que les autres femmes de développer la maladie. Ces antécédents doivent être signalés au médecin ou au gynécologue
  • Le cancer du sein  représente 33,5% de l’ensemble des nouveaux cas de cancer
  • 75% des cancers du sein apparaissent après 50 ans
  • L’âge moyen au moment du diagnostic est 61 ans

Sources : « La situation du cancer en France en 2015 » – INCa avril 2016, Le cancer du sein, parlons-en!