Le 17 mai dernier, les Intelloes participaient à une table ronde dans le cadre du festival Les Aliennes 3.0. Les débats portaient sur la représentation des femmes et les mutations du féminisme sur la toile.

Bar commun, 18h30. Dans ce lieu associatif qui redonne le goût d’être ensemble commence la table ronde des Aliennes. Cette association féministe souhaite changer l’image des femmes grâce à la culture. Chaque année, elle organise un festival qui promeut des artistes féminines et pose des questions de société.

 

Flyer du festival Les Aliennes 3.0

Féminisme et intersectionnalité

La première table ronde débute. Les échanges tournent autour de la question: Internet élargit-il le combat féministe dans le cadre de l’intersectionnalité ?

Pour y répondre, Yuffy, jeune femme lesbienne et trans qui tient une chaîne Youtube pour diffuser des messages pédagogues et bienveillants. A ses côtés, Laura Lardy, secrétaire au sein de l’association Lallab qui lutte contre les préjugés subis par les femmes musulmanes.

L’intersectionnalité, c’est quoi ? C’est le fait qu’une personne puisse subir plusieurs formes de domination ou d’oppression. Ces dernières doivent être analysées de manière simultanée. Par exemple, au sein même du féminisme, une femme peut être victime de transphobie ou de racisme.

L’important est de comprendre qu’Internet est un outil qui permet d’écrire les féminismes au pluriel, expliquent les intervenantes. Une évolution nécessaire pour que chacune puisse faire entendre sa voix. Laura Lardy précise : « La femme voilée a permis d’incarner le patriarcat étranger et de justifier la xénophobie. On tolère les femmes voilées tant qu’elles restent invisibles. Internet permet de rassembler les expériences de chacune. La pluralité des situations permet de se sentir moins seule. »

Yuffy, raconte quant à elle l’importance d’une communauté : « Avec les commentaires, on crée des interactions. Ces rencontres permettent de nourrir sa propre réflexion et de devenir meilleure militante. »

Mais cette visibilité a un retour de bâton violent. Se mettre en avant sur un média, c’est aussi affronter le cyber harcèlement.

Certaines militantes de Lallab ont été licenciées pour avoir fait partie de l’association. Avec un rire jaune, Yuffy raconte que « lorsqu’elle a commencé sa chaîne Youtube, elle savait qu’elle s’en prendrait plein la gueule. »

De gauche à droite : Dounia, stagiaire des Aliennes, Laura Lardy, membre de l’association Lallab et Yuffy, youtubeuse

Toxicité des réseaux sociaux sur les corps

Internet, un outil à double tranchant qui permet de libérer la parole, donc. On y retrouve aussi des injonctions à la beauté, des photos retouchées, et une hypersexualisation des corps. Notamment celui des femmes qui n’est pas loin de devenir objet, parfois.

C’est Ann-Laure Bourgeois, fondatrice des Intelloes, Marie Ployart, photograhe et Métaux Lourds, instragrameuse et modèle photo qui prennent la parole autour de la question « Les réseaux sociaux sont-ils toxiques pour le corps des femmes? »

Dans les médias, la beauté de la femme répond à des normes strictes. Elle est souvent incarnée par des personnes blanches et minces. Ann-Laure réagit : « Cela peut être toxique pour les jeunes filles qui n’ont pas beaucoup de recul et qui vont prendre ces femmes pour modèles. Quand on est jeune, on est à la recherche d’icônes et on est inondé par ces images. Elles ont remplacé les magazines de l’époque. » 

Attention donc à cette illusion de perfection qui peut être nocive. « Même une photo prise spontanément ne capture qu’un instant de la réalité. Les gens ne montrent que ce qu’il veulent », explique Métaux Lourds. Souvent, le post d’une photo va de paire avec la recherche d’approbation. Difficile à obtenir lorsque notre corps ne répond pas aux critères de beauté. Métaux Lourds ajoute : « Quand on est une femme, notre valeur principale, c’est d’être baisable. Quand tu ne fais pas partie du marché de la bonne meuf, tu es dans la merde. »

Libérateur mais toxique

Pourtant, s’exposer sur les réseaux n’est pas forcément une mauvaise chose. Cela permet aussi de prendre le contrôle sur la narration de sa vie, pour Marie Ployart : « Se montrer a une vraie valeur thérapeutique. Passer par le regard des autres permet de se réapproprier son corps. Mais le fait d’avoir confiance en soi est essentiel. Car c’est une épée de Damoclès qui pèse au-dessus de la tête, et on s’expose potentiellement à des saloperies. »

Il faut donc être vigilant et opter pour cette démarche avec une vraie force. Ann-Laure pèse le pour et le contre : « Poster une photo de soi dénudée est une forme de militantisme. Mais pour celles qui n’en ont pas conscience et qui ont de mauvais retours, cela peut-être ravageur. »

La richesse des réseaux sociaux fait néanmoins émerger des femmes inspirantes. Les images révèlent des facettes introuvables dans les magazines, ou à la télévision.  C’est précisément là que le combat se joue. « Il faut savoir s’entourer d’une communauté bienveillante », conseille Métaux Lourds.

Quelle solution alors, pour se protéger du cyber-harcèlement ? « Les réseaux sociaux pérennisent les conséquences néfastes de la diffusion et du harcèlement. Une éducation et une prévention sont primordiales » conclut Ann-Laure.

 

Héloïse Rakovsky

Le festival des Aliennes continue jusqu’au 26 mai, vous pouvez retrouver l’intégralité du programme ici.