By LucieD, docteur ès chansonnologie populaire

Lucie analyse pour vous une chanson que vous avez adorée, détestée mais forcément entendue… une chanson populaire, quoi! Aujourd’hui, il s’agit de Worth it du groupe Fifth Harmony.

TOUT D’ABORD, UNE PETITE CONFESSION. Je m’apprête à attaquer cette chanson, mais elle est enregistrée sur ma playlist « Plaisirs coupables » et je l’écoute régulièrement. En allant au travail, pour me réveiller un peu, ou quand je suis en début de footing.

Worth it  est catchy, Worth it me fait onduler de la croupe quand je marche dans la rue.

Mais Worth it et ses interprètes est aussi un produit ultra marketé, avec un message délivré tout en finesse (non). Et ledit message me met franchement mal à l´aise.

Récapitulons. La presse se félicitait à la sortie de cette chanson d´avoir enfin un nouveau groupe brandissant bien haut et fort l’étendard du très populaire girl power : 

« Enfin un groupe qui prend position pour la cause des femmes ».

« Ce sont des porte-paroles positifs, dont le féminisme avait bien besoin ».

« A première vue, c´est un tube prévisible, mais quand on écoute bien les paroles et le message de la chanson (loool), la place de la femme est différente de ce qu’on voit actuellement dans les clips ».

 Je… Quoi ? Pardon ? 

                                                                 Capture d’écran du clip « Worth It »

Pire, nombreux sont les journalistes à espérer que les Fifth Harmony servent de modèles aux jeunes filles, les poussent à penser qu’elles aussi « le valent bien ».

Voilà qui ne me donne pas envie de procréer.

En voyant ce clip, je me représente très bien une chef marketing devant son équipe :

« Maurice, René, Josiane, j´ai une super idée. Les gens aiment ce qui sonne balkanique. Regarde, Jason Derulo et Talk Dirty, là. On prend un beat aguicheur. On ajoute une vidéo au montage épileptique sous coke.

On habille nos filles suivant le thème « racolage passif en cabinet d´avocat ». On en fait des modèles pour les adolescentes en copiant s´inspirant des groupes suivants : les Spice girls (£££), les Destiny´s Child ($$$), les Pussycat Dolls (I don´t need a man to make me feel good, I get off being free). Et on y va à la truelle sur le message féministe, mais sexy (pour ne pas faire complètement fuir les hommes). QUI EST AVEC MOI ??? WOOOOUH. »

Nous avons donc logiquement droit au bingo gagnant des clichés sur le féminisme et les « femmes au pouvoir ».

  • Des filles en costume de cadre sup, des filles qui se trémoussent comme si leur vie en dépendaient devant les cours de la bourse.
  • Les messages suivants qui défilent: « Les femmes au pouvoir », « le féminisme est sexy »,…
  • Des femmes occupant des postes à responsabilités. C´est là que cela devient réellement problématique.

Pour Maurice, René et Josiane du marketing, qui bossent à plein temps sur l´image du groupe, et donc quelque part dans l’imaginaire collectif, être une meuf à responsabilités signifie s’habiller en costume à mille balles, passer sa journée à se tortiller sur son bureau tout en mordillant ses lunettes,…

…et traiter en esclave l´employé masculin. Dont l’occupation principale est de nettoyer mes chaussures, me tendre un mètre (?), conduire ma voiture. Tout en le repoussant du pied de temps à autre pour bien lui faire comprendre : QUI c´est la patronne ?? et qui c’est qui a les ovaires ??

                                                                     Capture d’écran du clip « Worth It »

Tout en subtilité, vous avais-je donc dit. Mais quel est le fuck ?

Ah c’était donc cela le message féministe ? Ces connards de mecs nous en ont fait baver pendant des millénaires, mais là nous sommes au 21e siècle, alors nous prenons notre revanche ! On va leur faire voir ce que c’est que d’être traitées en inférieures, à cette bande d’ignobles petits sal*pards!

S’cusez moi, j´ai du rater une étape.

C´est vrai que l´emballage est tellement aguicheur que les ¾ des détracteurs sexistes potentiels ont sans doute complètement oublié quel était le sujet à la fin, juste ravis d´avoir vu des boobs et du popotin qui remue.

Autant Who runs the world ? Girls ! de Beyoncé, me faisait un peu marrer, je trouvais la chanson kitsch et ne prenais pas les paroles pour argent comptant. Autant le sous-texte franchement 1er degré de domination féminine limite ambiance SM des Fifth Harmony me hérisse les poils. Sans m’exciter pour un sou.