Dans sa dernière BD parue début mai, la dessinatrice et instagrameuse Eve Cambreleng dénonce les diktats qui pèsent sur le corps des femmes grâce à des textes accessibles et des dessins colorés.
“Ne pas être trop couverte, mais ne pas être dénudée”. Avoir des enfants, mais pas trop non plus, et pas après 40 ans. Ces dilemmes auxquels les filles et les femmes font face tout au long de leur vie, on les retrouve dans “A corps et à cris”, la dernière BD de la dessinatrice Eve Cambreleng parue au début du mois de mai.
L’auteure dénonce ces nombreux diktats grâce à des textes drôles et des dessins beaux et inclusifs. Des stickers engagés accompagnent son livre. Les Intelloes ont voulu en savoir plus sur l’engagement de la jeune femme, suivie par plus de 34.000 personnes sur Instagram. Interview.
LES INTELLOES : Bonjour Eve! Parlons d’abord de toi. Peux-tu nous raconter ton parcours?
EVE CAMBRELENG : Bonjour ! J’ai toujours dessiné dans mon coin. J’ai fait des études de design graphique, et j’ai commencé à publier mes dessins sur mon compte Instagram, About Evie. Petit à petit, de plus en plus de personnes m’ont suivie. A la fin de mes études, j’ai décidé que je voulais faire ça, et rien d’autre, alors je me suis lancée en freelance !
Qu’est-ce qui a fait de toi une féministe?
Je pense que je l’ai toujours été. Je n’ai pas eu de « grand déclic », je n’avais juste pas forcément les mots pour en parler. A partir du lycée, j’ai commencé à lire énormément et me renseigner sur ce sujet. J’ai mis des mots sur mon engagement, qui s’est forcément renforcé, appuyé par ces connaissances.
Dans ton livre « A corps et à cris », tu fais le point sur les injonctions qui pèsent sur les femmes cisgenres et les personnes ayant un utérus dans notre société occidentale. L’intimité occupe une grande place puisque tu consacres un chapitre aux règles, à la contraception, ou encore à la sexualité. Était-ce si nécessaire de faire le point ?
Oui, c’était nécessaire ! Aujourd’hui il y a de plus en plus de comptes Instagram qui traitent et vulgarisent ces sujets. C’est absolument génial. Je fais de la BD, et je trouvais que c’était une bonne idée de traiter ces sujets sous cette forme.
Je me suis dit que ça permettait peut-être de toucher d’autres gens. La BD est aussi un objet que l’on peut offrir ou transmettre.
« Il faut commencer par faire la révolution chez soi »
Qu’est ce qui t’a donné envie de traiter tous ces sujets liés à l’image et à la santé des femmes?
Comme je le dis dans mon livre, je pense que pour changer les choses et faire la révolution, il faut commencer par la faire chez soi. Cela comprend la capacité à se détacher des injonctions qui pèsent sur nous. Je prends pour référence la fameuse formule « l’intime est politique ». Passer du privé au public, de la parole honteuse à la parole libre, c’est politique. Cela a un véritable impact sur nos sociétés.
Tu conclus ton livre sur un « gros » chapitre : l’apparence des femmes. En quoi cette dernière est-elle un sujet important ?
C’est un sujet extrêmement important, car il est omniprésent. Les injonctions liées à l’apparence des femmes dictent nos comportements, toute notre vie durant. Il est vrai que c’est très difficile de s’en détacher, mais si on y arrive, c’est une vraie libération. Cette libération est non seulement psychologique mais aussi financière.
« C’est mon choix »
Je ne sais plus qui disait : « Imaginez le nombre d’entreprises qui feraient faillite si du jour au lendemain, les femmes décidaient collectivement d’arrêter d’obéir aux diktats dits de « beauté ». Cela concerne l’épilation, la recherche désespérée du corps parfait, le maquillage, etc. C’est dingue de se rendre compte de l’ampleur de l’économie qui repose sur le rapport que les femmes entretiennent avec leur corps.
Pourquoi, après les règles, la contraception, l’injonction de la maternité, ne pas aborder la ménopause? C’est la fameuse « étape symbole » de l’oubli dans laquelle tombent les femmes à l’âge de 40-50 ans…
C’est en effet un sujet qui aurait toute sa place dans la continuité du livre. Je n’ai bien sûr pas pu traiter tous les sujets, il faudrait une dizaine de tomes !
Qui devrait avoir ton livre entre les mains ?
Tout le monde ! Je pense qu’il est parfait non seulement pour les ados, mais aussi pour les adultes qui ne maîtrisent pas forcément ces sujets-là. Et il peut aussi servir d’outil aux personnes qui connaissent déjà le sujet. Disons de 14 à 99 ans.
Quels sont tes projets futurs ?
Je suis en train de bosser sur un nouveau projet de livre. Cette fois-ci, c’est en collaboration avec une autre autrice et illustratrice. J’ai toujours des projets d’illustrations à côté, et bien sûr ma boutique en ligne pour laquelle je développe toujours de nouveaux projets !
Propos recueillis par Ann-Laure BOURGEOIS
A corps et à cris, Eve Cambreleng, éditions Albin Michel, sorti le 5 mai 2021, 124 pages, 18,90 euros.
Compte Instagram: About Evie.
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