« J’ai traversé l’enfer ». Camille, 28 ans, a souffert du Syndrome de Lyell, une maladie grave et rare qui a ravagé sa peau et ses muqueuses. Cette pathologie peu connue est due à une allergie médicamenteuse. Elle provoque de graves lésions qui peuvent aller jusqu’à entraîner la mort. Aux Intelloes, Camille a raconté sa détestation d’elle-même plus jeune, et comment elle a appris à s’aimer après avoir failli mourir.

 

LES INTELLOES : Peux-tu me parler de “l’avant Lyell” ?

Camille : Avant que la maladie ne débarque, j’étais une jeune femme très angoissée, par tout et n’importe quoi. Je l’ai toujours été, depuis toute petite. Je n’ai jamais eu confiance en moi, notamment parce que j’ai été victime de harcèlement scolaire pendant plusieurs années. Je n’ai jamais voulu en parler.

J’ai beaucoup été rejetée par les garçons aussi, et j’ai traversé des épreuves difficiles dans mes relations amoureuses et amicales. Je ne garde que deux amies très proches du collège, qui m’ont aidée à ne pas craquer à l’époque.

Je suis aussi très attachée à ma grande sœur, nous avons toujours été fusionnelles. Elle était un modèle pour moi. 

Mes parents ont été là eux aussi, mais toujours en silence. Je ne suis jamais trop allée vers eux non plus pour leur faire part de mon mal-être. Ils n’ont jamais rien su de mes angoisses.

Plus jeune, que reprochais-tu à ton corps ?

Je ne me suis jamais sentie belle. J’ai tenté de faire la paix avec mon corps il y a trois ans seulement, après une douloureuse relation amoureuse qui m’avait mise plus bas que terre.

Camille, qui a souffert du Syndrome de Lyell, à 14 ans

Camille, qui a souffert du Syndrome de Lyell, à l’adolescence

Cela a été vain, puisque je me trouvais toujours des défauts. Je voulais correspondre aux codes de la mode, être belle, avoir un corps parfait, une peau parfaite, je voulais tout déchirer quand je me préparais ! 

Je voulais qu’on me voie, exister et ne plus être l’ombre de moi-même. Je ne comprenais pas pourquoi je n’arrivais pas à me sentir femme, et pourquoi j’étais si peu sûre de moi. Je ne savais pas comment faire avec ce corps : mon ventre qui était tout sauf plat, mes poignées d’amour, mes fesses sans forme, et mon visage ! 

Peux-tu me parler de ton adolescence ?

J’ai été très déprimée toute mon adolescence. Au collège, c’était une catastrophe. Les autres élèves me montraient du doigt. J’étais seule, je me cachais pour qu’on ne me remarque pas. Tout cela alors que je voulais être comme les autres, avoir des copines, rire, fumer dans  les W.-C., et avoir des heures de colles. 

Quand as-tu commencé à te sentir « comme les autres » ?

Le lycée a été un vrai changement. J’ai atterri dans un nouvel environnement, personne ne me connaissait. J’avais donc une nouvelle  identité ! J’étais enfin acceptée, j’avais une bande de copines, avec qui je passais mon temps à rigoler ! C’était une libération, une seconde chance en quelque sortes. 

Malheureusement, les petites histoires d’amour que j’ai eues m’ont fait perdre toute confiance en moi par la suite.

A 28 ans, suite à la prise de pénicilline pour soigner une simple angine, tu as été victime du Syndrome de Lyell. Comment as-tu réagi lorsque tu as découvert ton corps après la maladie ?

Le Syndrome de Lyell a brûlé 90 % de mon corps au second degré. Il a épargné le sommet de mon crâne, je garde donc de mon corps d’avant seulement… mes cheveux !

J’ai été hospitalisée en réanimation chez les Grands Brûlés. On m’a recouverte de bandages pendant trois semaines.

Quand ils ont enfin été retirés,  j’ai découvert un corps ravagé par la maladie. L’expression “écorchée vive” a pris tout son sens, j’étais couverte de plaies. Je ne voulais pas entendre parler de miroirs.

J’ai fait face à la réalité lorsque je suis rentrée à la maison. Tout a foutu le camp ! Mes ongles sont tombés après mon hospitalisation et je me suis dit que mon corps était dévasté  jusqu’au bout de mes doigts.

Je me voyais comme un monstre et surtout, je me disais que c’en était fini pour moi.

A-t-il été difficile de dévoiler ton corps à ton compagnon ?

J’ai la chance d’avoir un partenaire incroyable. J’ai pensé qu’il allait me quitter, ou qu’il ne me trouverait plus jamais belle.

Encore une fois, j’étais convaincue que plus jamais je ne serai à la hauteur, et que je lui imposais ma maladie.

J’ai été tellement apaisée quand j’ai vu que la seule chose qui comptait à ses yeux, c’était que je sois toujours en vie. Il m’a affirmé que si l’on avait dû me couper les cheveux, il se serait également rasé la tête pour me soutenir.

Dans ses yeux, j’ai toujours été la plus belle, même les premières fois où je me suis déshabillée devant lui, après Lyell. Son soutien a été tellement précieux.

Le Syndrome de Lyell a-t-il eu un impact sur ta sexualité ?

Oui ! Ce serait trop beau, sinon. Il est allé loger jusqu’à mes parties génitales. Il a donc fallu patienter pour que tout revienne à la normale. Lorsque j’ai eu des rapports les premières fois après la maladie, je me suis mis une pression monstre, je voulais assurer, et faire comme si rien n’avait changé.

Encore une fois, mon partenaire a été d’un soutien incroyable, il me répétait que rien ne pressait. Tout est revenu à la normale quand j’ai eu envie d’avoir des rapports par amour et par envie, plutôt que par l’obligation que je m’imposais à moi-même. 

Comment considères-tu ton corps aujourd’hui ? 

Aujourd’hui je suis fière de mes cicatrices ! Ce sont des tâches d’hyperpigmentation, pour la plupart. Elles s’éclaircissent tout doucement, et elles sont là pour me rappeler que la vie ne tient qu’à un fil.

Le corps de Camille, après la maladie de Lyell

Le corps de Camille, après la maladie de Lyell

On m’a confirmé que ne retrouverais jamais ma peau d’avant, mais je suis enfin en paix avec mon corps, alors je ne veux plus que ces cicatrices s’en aillent. Nous cohabitons très bien !

As-tu des conseils à donner à ceux qui ont du mal à s’accepter ?

Ecoutez votre cœur, votre âme. Nous ne sommes pas qu’une enveloppe. Ce qui compte et importe réside dans le cœur de chacun. Etre bien dans sa peau ne s’acquiert pas du jour au lendemain, cela se cultive tous les jours. Prenez soin de vous, faites ce qu’il vous plaît. Croyez en vous.

Moi qui rêvait de ressembler aux filles dans les magazines, j’ai tout perdu en si peu de temps. Pourtant je ne me suis jamais sentie aussi femme que maintenant ! Je n’ai jamais autant apprécié me maquiller, m’habiller.

Pas pour ressembler à un idéal, mais pour être moi, me sentir sûre de moi, me faire plaisir, me récompenser, m’apporter de la douceur, de la beauté, de la futilité. 

La plus grande et la plus belle aventure est certainement celle de la découverte de soi.

Tu te décris comme une lionne, peux-tu nous dire pourquoi ?

Je suis une lionne, car moi qui ne me suis jamais sentie à la hauteur, je me suis battue, non pas pour survivre, mais pour vivre. Pour donner un sens à ce qui n’en a pas, à ce qui ne prévient pas.

Je me suis aussi battue contre moi-même, afin de m’en sortir plus forte, et d’apporter de l’aide à ceux qui comme moi, ont traversé l’enfer.

 

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois 

 

Camille raconte son expérience sur son site, « After my Lyell ». Rendez-vous ici.