Le 19 avril, le mouvement des Femen fête son dixième anniversaire. Cinq années après son arrivée en France, il continue de mener des actions controversées. 

Elles urinent sur le portrait du président ukrainien et perturbent la campagne de Marine Le Pen.

Dix années après leur naissance en Ukraine, les Femen continuent de mener des actions coups de poing en faveur de l’égalité hommes-femmes.  

A l’origine du mouvement, trois jeunes Ukrainiennes : Anna Hutsol, Oksana Chatchko et Sacha Chevtchenko qui souhaitaient dénoncer la prostitution et les inégalités femmes-hommes dans leur pays. Elles ont dans un premier temps manifesté, travesties en prostituées. Mais le filon n’a pas pris.

Oksana, Sacha et Anna ont alors tenté une nouvelle expérience et ont investi la rue, couronnes de fleurs dans les cheveux, dans des postures de guerrières. Et surtout, seins nus. La pancarte « Ukraine is not a brothel ! » (trad. l’Ukraine n’est pas un bordel) est venue compléter leur action.  

Est-ce leur poitrine découverte qui a attiré les médias?  Le monde entier s’est attardé sur les Femen, qui sont devenues des figures emblématiques du féminisme. Aujourd’hui, elles sont représentées dans une dizaine pays, dont la Turquie et l’Iran. En France, le mouvement est installé depuis cinq années. 

« Pope no more »

Au fil des années, celles qui ont inspiré la Marianne sur les timbres de la République, n’ont cessé de provoquer. En 2012, Inna Shevchenko, figure majeure du mouvement, tronçonne une croix chrétienne en bois de 8 m de haut sur une grande place à Kiev en Ukraine. 

Une année plus tard, huit Femen font sonner les cloches de Notre-Dame-De-Paris pour « fêter le départ du pape ». Sur leurs corps, elles ont inscrit à la peinture rouge et noire : « Pope no more », « Bye bye Benoit » ou encore « Crise de foi ».

Plus récemment, une Femen attend Bill Cosby devant le palais de justice le 9 avril dernier. L’acteur est accusé d’avoir abusé sexuellement de soixante femmes.

Pacifisme et humanisme

Le mouvement se décrit comme « pacifiste et humaniste », apolitique et laïc. C’est en déjouant les services de sécurité que les Femen parviennent à marquer les esprits, en se retrouvant face à face avec des chefs d’Etat comme François Hollande, ou Silvio Berlusconi.

Cependant, malgré leur volonté d’agir sans violence, elles ne sortent pas indemnes de leurs opérations : lors de l’action à Notre-Dame, l’une des militantes s’en sort avec une dent cassée par un vigile. Elles ne comptent plus ni le nombre d’heures passées en garde à vue ni celui des procès. Les Femen sont majoritairement jugées pour exhibition sexuelle. 

« Le corps des femmes est politique. Mais, mes seins sont sexuels quand je le décide », explique la militante Femen Sarah Constantin. Elle affirme que malgré une visibilité favorable, certaines personnes associent le mouvement à l’extrémisme. « On nous reproche de salir l’image du féminisme. Cependant, la provocation permet de bousculer une réalité tranquille. Il faut démonter l’ordre établi », explique celle qui est aussi journaliste et réalisatrice. 

Mouvement de Libération des femmes et Charlie Hebdo

Pour récolter des fonds et continuer d’exister, les Femen organisent une soirée à la Bellevilloise (Paris 20e) ce 19 avril à l’occasion de leur dixième anniversaire. Des personnalités publiques comme le chroniqueur et humoriste Guillaume Meurice, la chanteuse Lio, le Mouvement pour la libération des femmes (MLF), ou encore Charlie Hebdo sont attendues et prendront la parole. La militante et ancienne prostituée Rosen Hicher sera également présente pour sensibiliser les Français.es à la question de l’exploitation sexuelle.

Affiche de la soirée d'anniversaire des Femen

© Femen

Les dons récoltés à la soirée permettront de mener de futures actions. « Parfois, il nous est impossible de nous déplacer car on ne peut pas payer les billets d’avion », confie Sarah Constantin. 

Les Intelloes lui ont posé trois questions. Interview.

 

Les Intelloes : C’est quoi le mouvement Femen aujourd’hui ?

Sarah Constantin : Femen est un mouvement qui évolue, qui mute. Des branches se développent dans d’autres pays. Les Iraniennes militent sur les réseaux sociaux, par exemple. L’histoire a démarré avec un groupe de jeunes femmes qui ne connaissaient rien au féminisme. Les militantes se sont retrouvées dans des situations héroïques et il y a quelque chose de radical et de sulfureux dans le mouvement. On peut développer des idées et manifester topless devant Poutine. Ce n’est pas incompatible.

Comment tu es entrée dans le mouvement ?

J’ai pris conscience que j’avais envie de m’engager après l’action contre Dominique Strass-Kahn. Des militantes ukrainiennes ont lavé sa porte habillées en soubrette. J’ai trouvé ça à la fois super drôle, moderne et plein d’inventivité. Elles reprennent les codes d’un activisme de rue qu’on avait déjà vu chez Act Up ou Les Suffragettes. J’ai envoyé un mail, puis j’ai rencontré plusieurs militantes. Tout le monde peut rejoindre Femen mais Femen n’est pas pour tout le monde. Faites des choses, trompez vous, ce n’est pas grave. Engagez vous dans des causes qui vous tiennent à cœur.

Que souhaites-tu pour les dix ans des Femen ?

Le mouvement doit continuer à vivre et exister. Nous devons mener des actions dans le monde entier. Il faut absolument rester vigilant.e car le droit à l’avortement est toujours remis en question, en Pologne et en Espagne, et qu’il y a un relent de la Manif pour Tous… On doit continuer à envoyer des signaux forts du droit au blasphème à la liberté d’expression. On peut rire de tout, et se moquer de tout.

Sarah Constantin lors d’une action pour la libération de Jacqueline Sauvage © Pierre Gautheron

Pour soutenir les Femen, rendez-vous sur leur helloasso ou sur leur site ou vous trouverez des tee-shirts aux slogans féministes.

Évènement : 19 avril 2018, 19h, La Bellevilloise dans le 20e arrondissement, entrée gratuite sur inscription obligatoire.

Propos recueillis par Judith BOUCHOUCHA