LES INTELLOES, c’est Ann et Alex qui, par un bel après-midi de février, décident qu’il est temps de montrer qu’on peut parler de sexe, de pouvoir, de Tinder, de parité, de tampax, tout ça très sérieusement. Après plusieurs idées plus ou moins révolutionnaires (on a pensé à écrire un Manifeste de l’orgasme pour toutes, oui, oui!), ce blog est né. 

Le travail des Intelloes (avec un « e » à ne pas oublier!) est appliqué, vérifié, il aborde des sujets féminins et concernants, tant pour les hommes que pour les femmes. Il fait parler ses lectrices, se pose des questions et jette aux oubliettes les réponses toutes faites que l’on trouve dans les magazines que l’on a toutes et tous feuilletés.  

TOUT EST PARTI D’UNE (PETITE) HISTOIRE…

Assises à la table d’une brasserie chic à Rennes, Alex moi échangeons sérieusement avec notre directrice de master et ce haut cadre d’une quarantaine d’années de la commission européenne, invité pour une intervention de deux jours devant notre classe. Nous sommes étudiantes en Bretagne depuis un mois à peine. 23 et 24 ans, ambitieuses, nous serons diplômées d’un Bac+5 en politiques européennes en septembre 2012.

« Il faut coucher »

Notre master propose de rencontrer des professionnels travaillant à Bruxelles, et cet intervenant est de loin le plus intéressant de ceux que nous pourrons approcher cette année. Nous nous sommes jetées sur l’occasion sans laisser aux autres le temps de hausser un sourcil. Moi qui souhaite travailler au contact des institutions de l’UE, je vais droit au but lorsque nous avons l’occasion de prendre un café avec lui l’après-midi de son arrivée. « Comment rentre-t-on à la commission européenne ? » je demande, alors que notre classe est attablée dans un café du centre-ville. Lancée sur un  ton détaché, sa réponse précède les rires de mes camarades, plus particulièrement ceux de mes compères masculins : « Il faut coucher. ».

Aucune limite 

Cette réflexion sérieuse lui fait perdre de sa superbe. Le soir, lors du dîner, nous sommes moins impressionnées et lorsque le repas s’achève, le quarantenaire nous propose de prendre un verre. « Pas toi, Christine*, tu es fatiguée » intime-t-il gentiment à notre directrice sous nos yeux. L’embarras nous envahit, il ne lui laisse pas vraiment le choix. Cependant, elle obéit docilement, et une demi-heure plus tard nous voilà tous les trois à la terrasse d’un café. Une blonde, une brune, en compagnie d’un homme au crâne dégarni dans l’effervescence du centre-ville de Rennes un jeudi soir. Il veut en savoir plus sur nous. « Depuis quand vous connaissez-vous ? Vous vous entendez bien ? » nous interroge-t-il. Je mets la main sur l’épaule d’Alex, réponds en plaisantant que je l’apprécie. Au moment où nos corps entrent en contact, notre interlocuteur dégaine une caméra imaginaire, et nous lance un « Attendez, je tourne » lourd de sens. Petits gloussements de gêne. Il n’a décidément aucune limite. Quelques minutes plus tard, lorsque nous nous levons, notre intervenant bouscule un gars aux pupilles dilatées. A notre grande surprise, ce dernier le suit, le prend à partie, ne le lâche plus. « Poule mouillée », lui lance-t-il en boucle tout en lui assénant des coups de poing dans le bras. Nous appelons la police. Cette agression signe la fin de la soirée.

« On aura du mal à expliquer ses yeux dégueulasses sur nous »

Aujourd’hui, nous nous posons encore des questions. L’assaillant drogué nous a-t-il épargné l’embarras de décliner une proposition vulgaire et sexiste ? Cet homme, professionnellement accompli, pensait-il sérieusement que deux jeunes étudiantes fonceraient dans son lit en échange d’un job? Le même qui nous déclarait avoir une femme et deux petites filles durant le dîner ?  J’imagine les stagiaires de sexe féminin qui ont défilé dans son bureau, leur embarras, ou leur consentement. Dans les deux cas, me sens mal à l’aise pour elles. « On aura du mal à expliquer ses yeux dégueulasses sur nous »,  répond Alex lorsque je lui explique vouloir relater cette histoire.

Peu importe, cette dernière est le prologue de notre projet car c’est de là que Les Intelloes est parti. « Mais pourquoi ne lui avons-nous pas jeté sa bière au visage ? » s’interroge Alex.

Ce projet est fait pour toutes celles qui l’auraient fait. Ou bien pour celles qui lui auraient simplement ri au nez pour tourner en ridicule ses stupéfiantes avances. Certaines auraient peut-être choisi de  jouer le jeu en assumant : « Ok, on couche ensemble et j’ai mon job. »

Ce projet est fait pour vous toutes. Pour celles qui sont ELLES-MÊMES.

*le prénom a été changé.