Elle montre le clito comme personne ! La dessinatrice et blogueuse Emma dévoile son premier ouvrage « Un autre regard » qui dénonce les violences policières, le sexisme ou encore le patriarcat. Interview.
Elle cartonne sur la Toile. Le 10 mai dernier, la dessinatrice et blogueuse Emma publiait sur Facebook 40 vignettes de BD sur la charge mentale dans le couple. En partant d’une scène du quotidien, elle a mis en lumière le « travail invisible » que bon nombre de femmes exercent en plus de leur boulot. Ces dernières doivent penser à tout, tout le temps : les courses, le ménage, les enfants… Un secret de polichinelle qu’elle a su illustrer et qui a parlé à bon nombre d’hommes et de femmes. Ses dessins féministes ont été partagés plus de 200 000 fois et les remerciements fusent dans les commentaires : « C’est tellement vrai et tellement important« .
Violences policières et tabou
Au même moment, Emma dévoile son premier ouvrage Un autre regard (éd. Massot). Avec ces sept planches, elle critique les violences policières – dont elle a elle aussi été victime – (« La merveilleuse histoire de Mohamed« ), les violences médicales (« L’histoire de ma copine C.« ) ou encore le tabou autour du clitoris (« Check ta chatte »). La dessinatrice n’encense pas la beauté du trait; elle dénonce la société. « Certaines personnes subissent des oppressions et n’en ont pas conscience !« .
Avec ses dessins, Emma « espère toucher des gens qui ne sont pas engagés« . À 36 ans, la jeune maman est ingénieure en informatique. Elle dessine sur son temps libre. Après avoir grandi en province, elle s’installe à Paris pour effectuer son stage de fin d’études. Elle y reste pour le militantisme de la ville. La loi travail et les réactions sécuritaires aux attentats la révolte. Alors, en mars 2016, elle lance son blog emmaclit.com en référence au clitoris. « J’avais besoin de sortir cette colère alors j’ai fait des petits dessins au lieu d’écrire de longs textes. »
Alliée des travailleuses du sexe et des femmes qui portent le voile
La dessinatrice se revendique ouvertement « féministe et révolutionnaire ». Emma a milité pendant un an avec l’association Stop harcèlement de rue ! Cependant, elle se sent plus à l’aise sur la « transmission du savoir« . « Je suis une féministe inclusive : je suis alliée des travailleuses du sexe, des femmes qui portent le voile donc je ne me retrouve dans aucune association féministe. » Elle a soutenu Philippe Poutou lors de l’élection présidentielle. « Je ne suis pas militante NPA mais sympathisante car c’est le seul parti qui correspond à mes idées. » Emma a accepté de répondre à trois questions, interview.
Les Intelloes : Pourquoi consacres-tu plusieurs de tes planches aux violences policières ?
Emma : Je communiquais déjà sur les violences policières avant d’en subir. Il faut retenir la gravité de l’histoire de Mohamed. Il s’est fait tiré dessus lors de l’assaut de Saint-Denis et risque l’expulsion. Pour l’affaire Adama Traoré, j’ai découvert que les policiers tuent des gens qui n’ont rien fait. Lorsqu’il y a bavure, le policier porte plainte avant la victime. La plainte de la victime n’a aucune chance d’aboutir.
J’ai été victime à mon tour lors d’une manifestation contre la loi travail. Un CRS a lancé une grenade contre l’ami qui m’accompagnait. Il l’a reçue dans le ventre. Elle a explosé près de mes oreilles et depuis, j’ai partiellement perdu l’audition .
Comment as-tu découvert que tu étais « féministe et révolutionnaire » ?
J’ai toujours été un peu féministe mais je ne le disais pas. Je me suis réveillée quand ça s’est mal passé dans mon boulot. Les femmes souffrent du patriarcat. Alors, du féminisme j’ai glissé vers les questions anti-capitalistes et anti-racistes. Il faut virer les dirigeants, qui feront tout leur possible pour se maintenir à leur poste. Le NPA, par exemple, est contre l’existence d’un président. Il y a aussi beaucoup de chômage pour que la population soit docile. On ne peut pas faire de « petits » projets de lois.
Pourquoi ressentais-tu le besoin de partager et d’éditer certaines de tes planches ?
Discuter, c’est dur et fatiguant. J’essaye de toucher les opprimés. Dans mes dessins je vais à l’essentiel et j’essaye de motiver mes lecteurs à se renseigner un peu plus sur les sujets que je traite. Je n’ai pas la personnalité pour défendre mon avis en public. Je pense qu’on a besoin de se fédérer pour trouver une solution. Certains lecteurs veulent l’offrir à des proches pour qu’ils changent de regard sur la société. Il est probable qu’un deuxième tome soit publié.
Propos recueillis par Judith BOUCHOUCHA
La charge mentale
Le regard masculin
La merveilleuse histoire de Mohamed
Check ta chatte
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