Une association propose une formation sur les moyens de contourner l’IVG pour les professionnels de santé. 43 ans après son adoption, ce droit est encore contesté.  

Tournure subtile et mots évocateurs. L’association Choisir la vie, qui se décrit comme un mouvement « non confessionnel et indépendant de tout parti politique » organise le 26 mai prochain à Paris une formation pour le moins étonnante.

Cette dernière propose de répondre à la question « peut-on contourner l’IVG lorsqu’on est professionnel de santé ? ». Sur le flyer, une seringue, et une femme qui semble désemparée. L’adresse mail nosmainsnetuerontpas@gmail.com est proposée dans les coordonnées de l’événement.

 

Flyer de l'association "Choisir la vie" à destination des professionnels de santé

Flyer de l’association « Choisir la vie » à destination des professionnels de santé

Les Intelloes ont tenté de contacter les organisateurs de la formation, sans succès. C’est en naviguant sur le site de Choisir la vie, qu’il apparaît clairement que le mouvement est anti-IVG. Dans un communiqué du 15 décembre 2017, il enjoignait les professionnels de santé à le rejoindre. « Refusons notre participation d’une manière ou d’une autre à l’avortement, l’euthanasie, et tout acte de soins contraire au respect de la vie humaine. N’ayons pas peur, venons faire entendre nos voix et notre refus de laisser nos professions se faire instrumentaliser par la culture de mort », peut-on lire sur le site.

Alors que le 3 avril dernier, les sénateurs étudiaient une proposition de loi issue des mouvements politiques communistes exhortant l’Etat à adopter le droit à l’avortement comme un principe fondamental de la République, celui-ci est encore contesté aujourd’hui.

Recul du nombre de praticiens

Les récentes politiques d’austérité en France font peser sur le système de santé un climat inquiétant. Fermeture des centres de planification, recul du nombre de praticiens en ville, manque de moyens… Les possibilités pour les femmes d’être orientées vers des structures adaptées lorsqu’elles souhaitent avorter sont menacées.

Et si la loi semble vouloir progresser, les professionnels de santé ont toujours, au regard des textes du Code la Santé Publique, le droit de refuser de pratiquer un avortement.

C’est ce que spécifie l’article L162-8 : « Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de la grossesse mais il doit informer, au plus tard lors de la première visite, l’intéressée de son refus ». Une « clause de conscience » qui est également valable pour la stérilisation à visée contraceptive.

Des professionnels de santé décourageants

Lorsqu’un médecin fait le choix de refuser la pratiquer d’un avortement, la loi le contraint pourtant à orienter la femme vers une structure où elle sera prise en charge. Une procédure dont l’application est complexe à vérifier.

En Italie, le bras de fer est encore plus impressionnant: militants catholiques prostrés devant les hôpitaux, institutions privées qui nouent des contrats avec la religion, médecins objecteurs de conscience… Tout est mis en place pour dissuader les femmes de recourir à l’avortement. Selon un rapport du ministère de la Santé italienne, le pourcentage de médecins refusant de pratiquer des IVG a atteint 70% en Italie voire 90% dans certaines régions.

En Sicile, Valentina Milluzo, 32 ans, s’était heurtée au refus du médecin qui la soignait. Souffrant d’une dilatation de l’utérus, elle a perdu la vie peu de temps après. Des Italiennes ont ensuite témoigné de la pression qu’elles subissaient de la part du corps médical qui multiplie les astuces pour qu’elles dépassent le délai légal de 24 semaines dans lequel l’avortement est permis (13 semaines en France).

Valentina Milluzzo, jeune femme décédée après qu'un médecin ait refusé de pratiquer l'avortement de sa grossesse

Valentina Milluzzo, jeune femme décédée après qu’un médecin ait refusé de pratiquer l’avortement de sa grossesse

En France, des associations « pour la vie »

La formation proposée par Choisir la vie s’inscrit dans la lignée des sites anti-IVG, déguisés en supports d’information. Ces derniers sont réprimandés au nom du délit d’entrave, élargi en 2014 puis en 2016. Car s’il est permis pour un médecin de refuser de pratiquer un avortement pour des raisons éthiques et morales, faire obstacle à l’IVG est interdit par la loi. Empêcher une femme d’avorter ou perturber l’accès aux établissements est passible de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende depuis 1993.

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis », a déclaré Simone de Beauvoir.

Ces paroles semblent être plus que jamais d’actualité.

Héloïse Rakovsky

 

Le site du gouvernement regroupant l’information sur le droit à l’interruption volontaire de grossesse est disponible ici.