Dans son essai Sexpowerment, la journaliste sexo Camille Emmanuelle ouvre le débat sur les différentes sexualités qui existent. Publié aux éditions Anne Carrière puis aux éditions Livre de Poche, l’autrice nous parle de sexe et ce, sans tabou. Interview.

« Longtemps, j’ai voulu me gratter les couilles devant la télé. » Dans son ouvrage Sexpowerment (éd. Anne Carrière) Camille Emmanuelle tente de décomplexer les femmes – et les hommes – sur le sexe en se dévoilant et en s’appuyant sur des données précises ou scientifiques. Journaliste et auteure spécialisée sur les questions de sexualité, de culture érotique et de culture porn, elle se livre ici à un exercice compliqué. Lorsqu’elle était adolescente, elle pensait par exemple que « la branlette était un truc d’homme » et il en va de même pour le porno. Épilation intégrale, masturbation féminine, sextoys, coup d’un soir, milieu BDSM… Dans son essai, Camille Emmanuelle lutte contre les idées reçues et les dénonce. Un livre à dévorer pour ne plus jamais culpabiliser. Les Intelloes l’ont rencontrée. Interview.

Les Intelloes : Pouvez-vous définir ce qu’est le sexpowerment ?

Camille Emmanuelle : Ce mot, je l’ai inventé ! Il est lié à l’empowerment [autonomisation, ndlr.] féminin et à la sexualité. L’idée de ce livre, Sexpowerment est de raconter comment j’ai mis quinze ans à me débarrasser des injonctions sociétales sur le sexe et sur le plaisir féminin, des stéréotypes que j’avais entendu ou lu dans les magazines sur l’orgasme et la sexualité.

Il faut inciter les femmes et les hommes à se poser cette question : « qu’est-ce qui vient de moi et qu’est-ce qui vient d’une pression extérieure ? » Cette démarche a un impact sur la façon de se présenter au monde et à la société. Quand on jouit mieux, on est mieux dans sa tête et dans son corps.

Si  je peux faire gagner du temps à quelques lectrices, ce serait pas mal ! [rires.]

À quel moment comprend-on qu’il est nécessaire d’explorer son corps, son anatomie ?

Lorsque l’on commence sa vie sexuelle, il faut trouver son orgasme soi-même sans attendre de son compagnon qu’il nous fasse une révélation donc être curieuse. Il faut être en accord avec son désir, connaître son plaisir et oser l’exprimer. Le ou la partenaire sera reconnaissant(e).

Le vagin est un organe vivant et fort. Il est important d’avoir conscience de son clitoris interne et externe et de s’autoriser la masturbation. Le travail sur un clitoris en 3D d’Odile Fillod permet de prendre conscience de sa taille et sa forme. La moitié de notre sexe est caché, il n’est pas ludique. Mais, il ne faut pas s’en vouloir d’être ignorante.

Pourquoi le cunnilingus est-il moins pratiqué que la fellation dans un couple hétérosexuel ?

Beaucoup de femmes n’aiment pas leur sexe. Elles ont presque un rapport hygiéniste avec. Elles pensent qu’il sent mauvais, qu’il est moche ou encore qu’il a un mauvais goût. Comment demander à quelqu’un d’aimer quelque chose que l’on trouve soi-même ragoûtant.  Il y a donc un travail à faire pour dire aux femmes que ces idées sont fausses et leur apprendre à être bienveillante avec leur vagin et à l’aimer.

Quels sont vos classiques de littérature érotique ?

J’aime beaucoup Vénus Erotica et Les Petits Oiseaux d’Anaïs Nin ainsi que La Veuve de Papier de Françoise Rey. La Jument d’Esparbec est à lire, ainsi que Les BD érotiques de Manara et de Wolinski.

Quels réalisateurs et réalisatrices de films pornographiques conseillerez-vous à de jeunes femmes voulant découvrir ce genre ?

Tout d’abord, je recommande vraiment le porno féministe, alternatif. C’est une niche mais il s’y passe des choses réellement intéressantes. Il n’est pas destiné qu’aux meufs, il l’est pour tous ceux qui en ont marre des pornos piratés où il n’y a pas de limite d’âge.  En Europe, la femme qui révolutionne ce genre est Erika Lust et sa série XConfessions. Ses films excitent le corps et les neurones. Elle m’apprend des choses sur les sexualités humaines. Cependant, pour avoir de la qualité, il faut en payer le prix.

Je conseille aussi le site luciemakesporn, c’est une jeune réalisatrice française, Petra Joy ou encore le site fourchambers

Est-ce que l’on se lasse du porno ?

Ça dépend des périodes de la vie, un peu comme dans la libido et comme le désir. Le porno m’intéresse moins qu’avant, j’en regarde donc moins. Je m’y suis beaucoup intéressée par esprit de conquête de territoire.

Pouvez-vous définir le féminisme pro-sexe, en anglais, sex positiv feminism ?

La traduction française sonne mal. Ce féminisme est un mouvement qui tente de parler de la sexualité féminine comme un territoire d’émancipation et pas forcément comme un territoire de danger pour les femmes. Il promeut la beautés des corps. Il faut se dire : « T’es une meuf et c’est chouette. Tu dois être fière de ton corps et fière de ta capacité d’orgasme ». Ce mouvement s’intéresse aussi aux travailleurs du sexe en leur donnant la parole et en dépassant le simple discours des « victimes du patriarcat ». Ils ont besoin de droits, pas de compassion.

Je défends une vision libérée, joyeuse et powerful du corps féminin et de sa sexualité.

Quels sont vos projets ?

Je prépare un projet autour de la « culture cul » à Paris avec Vice et continue à écrire sur un projet de livre. Je fais aussi des chroniques dans Playboy France et démarre une collaboration avec Causette.

 

Couverture de "Sexpowerment" aux éditions Livre de Poche

© Livre de Poche

 

Sexpowerment, Camille Emmanuelle, éditions Livre de Poche , 352 pages, 7,30 euros.

Propos recueillis par Judith BOUCHOUCHA