ET SI LA FELLATION ETAIT UN ACTE où la femme dominait son partenaire ? On en a parlé avec Elisa Brune, journaliste scientifique, auteure de plusieurs livres sur le plaisir féminin, le dernier en date : Labo sexo, bonnes nouvelles du plaisir féminin.

LES INTELLOES : Contrairement à l’image qui en a souvent été donnée, pourrait-on affirmer que, lors d’une fellation, c’est la femme qui est en position dominante ? 

ELISA BRUNE: Elle est en position active en tout cas. En particulier si elle a initié le moment en question. A noter qu’il existe une version passive, où la bouche de la femme, immobile, est le réceptacle des mouvements actifs de l’homme – on appelle cette pratique « irrumation » et elle est plus clairement connotée vers la domination masculine.

Une fellation peut être menée très activement par la femme – voire imposée parfois. Dans tous les cas elle détient un pouvoir symbolique important puisque l’homme lui confie son organe le plus fragile.

L.E: Quelle dimension la fellation  acquiert-elle aujourd’hui dans notre société ?

E.B: La fellation est entrée dans les moeurs. Elle fait partie du répertoire usuel des pratiques sexuelles : la grande majorité des gens l’ont déjà pratiquée et plus de la moitié la pratiquent régulièrement. Au sein des couples, elle marque généralement un sentiment d’intimité et de confiance. Dans les expériences adolescentes, elle fait plus figure d’alternative au coït, sans risque de grossesse, et intervient assez souvent avant le rapport sexuel complet, un peu en manière de préaliminaire qui permet de se rencontrer déjà sexuellement mais pas intégralement.

L.E: Cette pratique n’est donc plus considérée comme un acte de domination masculine ?

E.B : Pas prioritairement. Cela va dépendre du contexte. Notamment de la façon dont la fellation est amenée : par qui et comment. Si l’homme l’impose, c’est un acte de domination, et même de brutalité. Si l’homme la demande, et que la femme accède à ce désir sans en avoir le désir elle-même, c’est plutôt un acte altruiste, qui peut être motivé par le sentiment, ou bien par le désir de réciprocité.

L.E: La fellation et le cunnilingus ont-ils la même « dimension » ?

 E.B : Ils n’ont pas la même dimension en fréquence : la fellation est davantage pratiquée que le cunnilingus. Cela provient sans doute de l’écart dans la représentation et dans la dimension symbolique.

L’acte sexuel ayant de tous temps été représenté par des hommes et pour des hommes, la fellation y tient une place que le cunnilingus n’a pas du tout acquise.

Celui-ci est presque une pratique dont on peut dire qu’elle vient de naître (après les années ‘50, les premiers travaux en sexologie, le féminisme et la libération sexuelle). Avant cela, c’était rarissime et confidentiel. Il n’a pu se développer que dans la mesure où le désir sexuel des femmes est devenu une réalité revendiquée, documentée, et de plus en plus banale.

L.E: Quel plaisir sexuel la fellation apporte-t-elle à la femme ?

E.B : Tout est possible : depuis un plaisir profond (et même orgasmique), jusqu’à un dégoût profond, et même allergique ! Pour l’essentiel, cela dépend de la façon dont s’est formé le rapport à la sexualité et au corps masculin, dans l’éducation et les premières expériences sexuelles.

Cela dépend aussi de la nature de la relation sexuelle en cours avec le partenaire. Passion physique (parfois doublée d’un sentiment amoureux intense, mais pas toujours) ou relation érotique moins intense, le plaisir ne sera pas le même.

L.E: Une femme qui ne pratique pas la fellation, est-ce tabou aujourd’hui ?

 E.B : Je pense que ça devient une curiosité, dans les jeunes générations du moins.Il y faut une sorte de « raison », puisque la fellation fait partie du vocabulaire courant de la sexualité aujourd’hui. Donc, une femme qui pour quelque raison que ce soit ne la pratique pas peut se sentir embarrassée. Le mieux est toujours d’en parler. Il suffit parfois de spécifier les conditions d’hygiène que l’on souhaite (après une douche, sans avaler, ou que sais-je…) pour que les choses soient simples et praticables. Ce n’est un tabou que si l’on reste soi-même dans le silence. 

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Ils en ont parlé ouvertement…

Lapsus mémorable, celui de Rachida Dati qui, au beau milieu d’une tirade sur l’état de l’économie française, lâche le mot « fellation » au lieu d’« inflation ». On a beau ouvrir grand les yeux, à l’époque la Ministre ne s’aperçoit pas tout de suite de son erreur.  A voir… ici.

On a évidemment la chanson de France Gall, Les sucettes, qui nous vient à l’esprit. « Annie aime les sucettes, les sucettes à l’anis… Lorsque le sucre d’orge parfumé à l’anis coule dans sa gorge, Annie est au paradis ».

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Avons-nous réellement besoin de vous mettre un lien vers Youtube ? Bon, d’accord, c’est par là.

On a aussi déniché des petites perles pour enrichir notre culture dans l’ouvrage de Thierry Leguay, La fabuleuse histoire de la fellation.

  • Se la faire allonger, avaler la fumée, tailler une plume, faire une politesse à Monsieur, se laver les dents, souffler dans la canne, glouglouter le seigneur (berk !) sont autant d’expressions qui sont utilisées pour désigner la fellation.
  • Cléopâtre était surnommé « Grande bouche ». La légende dit qu’elle aurait un jour fait une (grosse) gâterie à sa garde toute entière (100 hommes). La vilaine !
  •  Chez les Romains, le rapport dominant-dominé régissait l’acte : pour les hommes comme pour les femmes, on avait les  « irrumateurs » (ceux qui recevaient la fellation) d’un côté, les « fellateurs » de l’autre. Les premiers pouvaient crâner parce qu’ils étaient en position de force, mais c’était une honte d’être fellateur, car on se laissait souiller la bouche, partie du corps sacrée.
  • En Géorgie, comme ç’a a été le cas dans d’autres Etats aux US, une loi prohibe toujours la fellation. Bien que non-applicable depuis 1998, cette dernière est encore inscrite dans les textes.

Les traductions du mot pipe par nos voisins : una chupada (en espagnol), a blow job (en anglais), pompino chez les transalpins口交 (en mandarin, à noter que le premier caractère désigne la bouche), on a aussi cru comprendre que c’était blasen en allemand,…