Ressan, photographe depuis une trentaine d’années dans le milieu libertin, a fait paraître Ressan Volume 2, une suite à son précédent ouvrage publié en 2015. Les Intelloes l’ont rencontré. Interview.
À 57 ans, Ressan photographie depuis plus de trente ans femmes et hommes dans des soirées libertines. En 2015 paraissait Paris Libertin, un ouvrage qui réunissait ses plus beaux clichés teintés d’érotisme. Il vient de publier Ressan Volume 2, une virée nocturne parisienne dans un milieu qui reste secret et tabou. Les photos sont sensuelles, parfois suggestives. Tout en dissimulant leur visage, Ressan donne vie à des personnages qui n’existent que le temps d’une nuit. Son livre est sélectionné pour concourir le Prix de Sade 2018. Il a accepté de nous en dire plus.
LES INTELLOES: Comment est né le projet Paris Libertin ?
Ressan: Après avoir travaillé pendant une dizaine d’années pour des rédactions, le choix des angles ne me convenait plus. J’avais besoin et envie de réaliser des photos plus proches de ce que je voulais montrer. Le meilleur moyen est de faire son propre livre. Le premier tome, Paris Libertin, est sorti en 2015. Le deuxième volume représente plus les fantasmes que les gens se font du libertinage.
Êtes-vous libertin ?
Non. J’aurais une relation biaisé avec les personnes que je photographie. La distance me permet d’extraire de la curiosité et de la bienveillance. Depuis 30 ans que je fais ce métier, je m’interroge toujours sur l’espèce humaine.
Le libertinage est-il tabou ?
Pour une partie de la société, il l’est. De la même manière que l’homosexualité est tabou pour certains. De plus, il y a une réelle différence de perception entre le monde urbain et le monde rural.
Pour autant, les femmes qui ne sont pas libertines et avec qui je discute essaient de comprendre les modes de fonctionnement de ce milieu. Bien plus que les hommes ! Elles sont plus ouvertes d’esprit.
Est-il un « mode de vie libertin » à proprement parler ?
Le libertinage n’est pas un mode de vie mais une parenthèse dans la routine. Les personnes que je rencontre dans les soirées ont une vie de famille. Certains m’ont raconté que s’ils n’avaient pas cette soupape, ils ne seraient plus ensemble. Ils peuvent s’être amusés avec un couple, avoir réalisé les extravagances sexuelles les plus inimaginables et se faire la bise en quittant la maison. On sent la distance s’installer de nouveau.
D’autres sont dans une quête acharnée afin de rencontrer un maximum de personnes. Ils et elles le vivent de manière consumériste.
Comment, en tant que photographe, réussit-on à saisir un moment si intime ?
Lorsque je suis en soirée, j’y ai été convié. Les participants sont tous au courant. Je laisse les couples dans leur spontanéité. Ils et elles ne doivent pas faire attention à moi. Au début, ils jouent puis, ils se laissent prendre à leur propre jeu. Les personnes présentes sont très demandeuses.
Le principe de mon travail est de ne jamais montrer les visages. Je ne dénature pas l’acte sexuel. Les photos prises portent moins préjudice que ce que l’on met sur les réseaux sociaux tous les jours.
Dans les soirées libertines, les femmes sont-elles soumises ?
Non ! Les femmes viennent de leur plein gré. Certaines même, en cachette de leur compagnon. Il y a une vingtaine d’années, elles assistaient aux soirées pour faire plaisir à leur mari en ayant peur de la rupture. Aujourd’hui, la demande vient des couples. Les rapports sont plus équilibrés. Cependant, je remarque que les femmes libertines assument entièrement leur sexualité. Elle savent ce qu’elles veulent. Elles affrontent plus facilement les situations de la vie quotidienne.
Si une femme est soumise au quotidien, elle ne le sera pas en soirée. Il y a cependant une vraie différence entre les soirées libertines et celles BDSM. Dans les fêtes, si un homme met une main aux fesses à une femme qui n’a rien demandé, il se fait virer immédiatement.
Les hommes acceptent-ils moins d’être photographiés ?
Les hommes acceptent moins leur sexualité. Ils ont besoin de l’autorisation de leur compagne pour vivre l’expérience. Pourtant, les libertins sont sans cesse à la recherche d’expérimentations, ça suppose une ouverture d’esprit.
Quels sont vos projets ?
Pourquoi pas un troisième livre de photos, mais je me donne du temps. J’aimerais réaliser une série avec des hommes ou des transsexuels. Quand je photographie, je suis en reportage ; je montre pour l’Histoire. Le libertinage est une partie de notre sexualité au XXème et XXIème siècle.
Propos recueillis par Judith BOUCHOUCHA
Ressan, Volume 2, 196 pages, 59 euros.
Retrouvez Ressan sur Instagram, Facebook et sur son site internet.
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