La jouissance des femmes débarque sans tabou avec le compte Instagram @tasjoui lancé le 15 août dernier. Les Intelloes ont discuté avec sa créatrice Dora Moutot. 

« Parce que les hommes délaissent nos clitoris. » En cinq jours, la journaliste Dora Moutot, 31 ans, a lancé un débat public sur l’orgasme féminin avec le compte Instagram @tasjoui.

Peu avant, la journaliste s’insurgeait contre un homme qui lui avait affirmé que les femmes jouissent uniquement quand elles sont amoureuses sur son compte personnelElle confie aux Intelloes : « J’étais super furax ! J’en ai marre des mecs qui ne connaissent pas le fonctionnement du sexe féminin. » Des dizaines de témoignages affluent dans ses messages privés. Elle se rend alors compte que son « coup de gueule » résonne et qu’il est tant d’en finir avec « les monologues du clito ». Déjà plus de 10 000 personnes se sont abonnées.

« Et pourquoi ce serait au mec de terminer le rapport ? », « Je me sens moins seule. », « Je n’ai MALHEUREUSEMENT jamais eu d’orgasme », « Comme j’aimerais avoir plus de facilité pour communiquer que pour simuler… » Les femmes prennent la parole et se livrent sur leurs expériences ratées et leurs déceptions sexuelles. « Elles n’osent pas trop se plaindre de la situation », explique Dora. Elles ne jouissent pas et ne s’en plaignent pas à leur partenaire. « Là, elles se sentent soulagées. Elle se disent ‘Nous aussi on a envie de jouir’ !»

 

Les Intelloes ont posé cinq questions à Dora Moutot. Interview.

Les Intelloes : Comment libérer la sexualité féminine de ses tabous ?

Dora Moutot : Un débat public est obligatoire. Le message doit atteindre toutes les couches de la population. Un discours bienveillant est nécessaire. Les jeunes filles ne savent pas dessiner un clitoris, elles ne connaissent pas leur corps et ne s’autorisent pas la masturbation. Il faut parler du clito et de sa fonction !

Pourquoi les hommes doivent-ils aussi s’engager dans ce combat pour une jouissance féminine libérée ?

Il faut éduquer les hommes. Les femmes, quant à elles, doivent leur imposer leur jouissance. Beaucoup d’hommes se plaignent que c’est dur de « pécho », qu’elles n’ont pas envie d’avoir des relations sexuelles… Elles n’obtiennent pas le plaisir qu’elles souhaitent, alors la libido baisse. C’est une question de communication et d’empathie. Cette société en manque grandement.

Les couples lesbiens font-ils face aux mêmes problèmes? 

Les rapports de domination ne sont pas les mêmes. Cela dépend aussi de leur connaissance du corps et de la jouissance. Mais il y a des choses qu’il n’y a pas besoin d’expliquer…

Ton initiative résonne-t-elle plus chez les jeunes ?

Instagram est une plateforme pour les 15-35 ans. Ça joue forcément. Mais ceux et celles qui ont peut-être le plus besoin de ce message sont ceux qui n’évoluent pas dans des cercles progressistes ou féministes et qui ne remettent peut-être pas encore la société patriarcale en question. Cela se fait encore moins dans le cadre du couple ou de l’intime. Par exemple, les femmes mariées depuis 30 ans à des hommes qui ne les ont jamais fait jouir et qui acceptent cela comme un état de fait.

En attendant son passage au JT de TF1, Dora Moutot reçoit des messages de jeunes hommes puceaux encourageants. 

As-tu un message à faire passer aux jeunes ?

Vous n’avez pas accès qu’au porno sur Internet. Vous avez accès à d’autres modes de pensées et à d’autres façons de faire et de vivre la sexualité. C’est à portée de main. Faites vos recherches. Renseignez-vous. Remettez les choses en perspectives. Soyez curieux de vous, soyez curieux de l’autre. 

Propos recueillis par Judith BOUCHOUCHA