CHRONIQUE – Lorsqu’une grande marque fait appel à de fortes personnalités connues pour leur engagement plutôt que pour leur très inoffensive photogénie, on peut s’attendre à ce que cela attise les critiques. Mais en 2017, il semblerait qu’une femme qui ne s’épile pas et qui le revendique pose un vrai problème. Sérieux les gars? 

Pour sa nouvelle campagne intitulée « Les icônes de demain » qui tend à promouvoir sa nouvelle gamme de sneaker Superstar, Adidas a choisi de faire appel à des figures emblématiques de la culture urbaine d’aujourd’hui. Parmi elles des sportifs bien sûr, mais aussi des activistes, des artistes et des mannequins militantes. C’est le cas de Arvida Byström, photographe et mannequin suédoise engagée.

Les poils de la discorde

Sur les réseaux sociaux, elle affiche sans complexe sa coupe menstruelle pleine, ses poils et sa cellulite. Aux yeux de tous, elle milite contre les contraintes infligées au sexe féminin et revendique fièrement son statut de femme libre et sans compromis. Bref, Arvida Byström s’assume. C’est d’ailleurs sans conteste la raison pour laquelle Adidas a fait appel à elle. « Icône de demain » selon la marque, elle incarne le nouveau souffle d’une génération impliquée dans la déconstruction des codes établis par notre société.

Oui mais voilà, il semblerait qu’une femme poilue soit LE chambardement qui ne passe pas. Pour preuve les réactions haineuses qui ont fait suite à la diffusion du clip de campagne 80s Superstar par Adidas Original.

Dans ce spot d’à peine 15 secondes, Arvida Byström livre sa vision de la féminité : « Je pense que la féminité est un concept culturel. Je pense que tout le monde peut être féminine, faire des choses féminines, et j’ai l’impression que dans la société actuelle nous avons peur de ça ». Aux pieds de cette femme en robe, des baskets Adidas. À ses jambes, des poils.

On ne s’étonnera pas vraiment que la vidéo mise en ligne le 26 septembre dernier ait suscité nombre de commentaires désobligeants. Ce que l’on peut trouver choquant et ne cesser de dénoncer en revanche, c’est la violence verbale ahurissante employée par certains pour exprimer leur opinion…qui plus est ici sur des poils.

De l’inconsistance à la médiocrité, ainsi vont les adeptes du sexisme ordinaire

Parce qu’il est difficile d’argumenter quand on est peu habitué à penser par soi-même, on excuserait presque un tel niveau de stérilité dans les attaques.

Ce n’est pas une femme, c’est un singe. Coupe-moi cette merde !

Une femme avec des poils aux jambes ça craint. Je comprends que les femmes sales et paresseuses aient besoin de se trouver des excuses, mais là elles exagèrent.

Dégueulasse. Femme répugnante.

Ew chienne (bitch en VO), vas te raser les jambes !

Arrêtez de vous brosser les dents et de laver votre cul aussi, espèce de féminazi débiles.

Si elle se rasait les jambes, ouais, je voudrais carrément la baiser.

La partie émergée de l’iceberg que constitue cette sélection de commentaires n’est évidemment pas la plus virulente. Sur Instagram, la photographe a déclaré avoir reçu des menaces de viol.

« Ma photo de la campagne Adidas m’a valu beaucoup de vilains commentaires la semaine dernière. Je suis talentueuse, blanche et mes poils sur mes jambes sont la seule chose qui n’entrent pas dans la norme. J’ai reçu des menaces de viol. Je n’arrive pas à imaginer comment vivre sans tous mes privilèges. Je vous envoie tout mon amour et essayez de vous souvenir que tout le monde n’a pas les mêmes expériences en tant qu’individu« , a-t-elle écrit.

https://www.instagram.com/p/BZd1cbNggu7/

Des jambes à l’air, libres !

Dans son post, Arvida Byström n’oublie néanmoins pas de remercier tous ceux qui la soutiennent dans sa démarche. Car oui n’en déplaise à certains, il se pourrait que les mentalités aient tout de même un chouilla changé depuis 1950.

– Magnifique et courageux.

– Ouah, c’est quelque chose d’absurde à dire en 2017, mais elle est si courageuse de montrer ses jambes au naturel, allez les filles ! J’ai entendu qu’elle avait reçu des menaces de viol…pour des poils !!? Les hommes sont libres de choisir, pourquoi pas les femmes ?

– La plupart des gens qui se plaignent des jambes de cette femme sont en fait des hommes qui ne doivent pas se raser pour être acceptés par la société.

– Soyez fidèle à vous-même ! Bravo !!

– Tu es mon héros.

Même si l’on n’est pas dupe des stratégies marketing actuelles qui usent du féminisme comme d’une vache à lait providentielle, on a de quoi se réjouir de ce virage qui bouscule les standards de communication. Parce que l’important dans tout ce tintouin médiatique, ce qui fait qu’on se fout passablement de ses penchants opportunistes et hypocrites, ce sont les nouveaux visages qu’il montre de la féminité.  Ses talents, ses forces, et sa liberté sans concession.

 

Cassiopée Giret