Attention, légers spoilers

Trafic de petites culottes et baiser de la mort.

C’est ainsi que s’achevait la saison 3 de Orange is the new black, série qu’on affectionne particulièrement chez Les Intelloes. Et pour ceux qui ne la connaissent pas encore, la saison 4 est une bonne raison de squatter l’abonnement Netflix de votre cousin.

Pour rappel, OITNB, c’est au départ la blonde Piper, une WASP pétillante, qui se retrouve en prison après avoir été balancée par son ex-petite amie Alex, trafiquante de drogue internationale. Elle a peur de la planète entière et collectionne probablement les licornes, avant d’atterrir au bagne.

Les deux premières saisons nous transportaient dans le monde pénitencier, navigant entre humour, drame et politique.

La saison 3 s’achevait par une scène de libération bien guillerette. Les détenues, à moitié évadées de la prison de Litchfield, faisaient trempette sous le regard impuissant de Caputo, le directeur de la prison.

Les choses changent radicalement au début de la saison 4 avec l’arrivée de dizaines de prisonnières endurcies et d’une nouvelle équipe de gardes patibulaires.

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OITNB entre dans une nouvelle phase pleine de tensions et d’enjeux politiques. Il était temps car la saison 3 avait un poil déçu. On y voyait cette histoire donner plus volontiers dans le soap opera et les références appuyées aux films de mafieux que Jenji Kohan, la réalisatrice de la série, affectionnait  déjà dans la célèbre Weeds. Tout y était prévisible puisque Piper Chapman, aka « Pipes-la- hipster-bien-pensante », effectuait banalement sa transformation à la Walter White, en devenant une caïd sans pitié. Le baiser sur les lèvres de celle qui l’a trahie n’est pas sans rappeler celui de de Michael Corleone à la fin du Parrain II: Luca Brasi dort avec les poissons, la bateau va exploser.

Le génie de Kohan dans la dernière saison de son show est d’avoir paradoxalement replacé les sujets les plus importants de la série au centre de l’intrigue : la misère affective et matérielle engendrée par différents systèmes institutionnels ou communautaires. Comme dans Weeds, les protagonistes sont des femmes, parfois innocentes, parfois coupables, souvent les deux à la fois. Et livrées à elles-mêmes dans un monde qui entend les contrôler, les définir.

En réalité, Kohan braque sa caméra sur un système tellement pourri que tous ses protagonistes se retrouvent broyés, salis, sans pour autant devenir des monstres.

Piper, ridicule à force de se faire passer pour un gangster, est brutalement ramenée à la réalité lorsqu’elle se fait tatouer une croix gammée au fer rouge par un gang de latinas. Les nazillonnes s’organisent. Les nouveaux gardes instituent leurs propres règles sous le nez de Caputo, trop occupé à compter l’argent dépensé pour le compte de la société gestionnaire de l’établissement.

THR / Image ©Netflix

THR / Image ©Netflix

Kohan n’omet ni l’humour, ni le sexe, un des sujets principaux de la série. Ici pas de clichés, pas d’étiquettes, Piper a des histoires d’amour avec des femmes et avec des hommes, mais ne se revendique pas bisexuelle. Les détenues se débrouillent comme elles peuvent pour s’envoyer en l’air dans la prison, comme dans cette scène hilarante où la prisonnière Lorna et son mari gominé ont un orgasme au parloir sans se toucher, tout cela au milieu des visiteurs médusés, façon Quand Harry rencontre Sally, version Jersey Shore.

La saison 4 nous propose donc un programme passionnant, mais sombre, avec un final explosif (pas de spoiler). Ce n’est pas un hasard si Matthew Weiner réalise l’avant-dernier épisode, lui qui a superbement raconté le combat des femmes américaines dans le monde du travail dans Mad Men.

Les personnages en sont réduits à se retourner les uns contres les autres dans le dernier épisode, ce qui aurait pu être évité, à condition que l’individu soit remis au centre des préoccupations.

C’est ce qui fait d’OITNB une série universelle dans laquelle les identités sont flexibles. Il ne s’agit pas tellement d’affirmer un certain girl power, mais de mettre en avant des personnes aux histoires complexes, à travers des portraits de femmes, face à des institutions déshumanisantes, idéologues, et tournées vers le profit. La suite en 2017.

Jérémy Egri