Qui de mieux qu’une femme noire pour parler des femmes noires ? Personne, et certainement pas un homme ou une organisation féministe traditionnelle, selon Mwasi.
Deux jours avant la journée internationale des droits de la femme, je rencontre Sharone, l’une des cofondatrices de ce collectif, lors d’une marche partant de Belleville (aujourd’hui, elle ne fait plus partie de Mwasi, ndlr). Les membres de Mwasi patientent avant de pouvoir prendre le micro aux côtés d’associations féministes lesbiennes, d’organisations LGBT, ou encore du STRASS (Syndicat du Travail Sexuel).
Des femmes concernées par le racisme et le sexisme
Parmi la foule, les filles de Mwasi arborent des pancartes aux messages percutants comme « Négrophobie + sexisme = Mysogynoir » ou encore « Police complice de la culture du viol ». Je les reconnais car certaines portent un pagne sur la tête ou sur leur chapeau. Les jeunes femmes présentes semblent avoir entre 20 et 35 ans.
« Nous sommes des femmes très différentes : des mères de famille, des chômeuses, des salariées, hétéros ou lesbiennes,… m’explique Sharone, travailleuse sociale. Le collectif est né il y a un peu plus d’un an d’une rencontre entre plusieurs « afrodescendantes », des femmes qui sont concernées par le racisme et le sexisme en Ile-de-France, et plus largement en France. »
Car le féminisme « traditionnel » passe complètement à côté de cette intersectionnalité (de discriminations) que connaissent les femmes noires, pour Mwasi. «Il omet les questions raciales, ne prend pas en considération les réalités vécues par des femmes noires qui les empêchent de s’émanciper. Nous n’avons pas les mêmes problématiques que les femmes blanches», affirme Sharone.
« Non-mixité »
C’est pourquoi le collectif, qui a participé à la COP 21« pour rappeler que les populations menacées sont racisées», prône, peut-être paradoxalement, un « communautarisme de résistance ». Il a opté pour la non-mixité, n’accepte que les « afrodescendantes ». Sur son site, il explique que c’est « parce que [les femmes ou trans noire] sont les mieux placées pour saisir les armes de leur émancipation ».
La blogueuse et militante Fania Noël, qui se décrit comme « afroféministe, très décolonialiste et anti-impérialiste » est membre sympathisante de Mwasi, qui mène de front ses combats avant tout politiques. «L’afroféminisme de manière générale apporte des réponses contre le patriarcat (qui comprend les questions de genre et d’orientation sexuelle), le capitalisme, le système de la suprématie des pays européens sur les pays du sud… Il répond au triptyque race, genre, classe. »
«Discrimination et domination»
Lors de la marche, une Antillaise d’une quarantaine d’année rappelle que Mwasi lui sert avant tout à avoir des informations sur la libération de la femme et l’importance d’une sororité noire. « Elles transmettent de belles paroles, et puis je vais là où il y a de la solidarité. L’esclavage rappelle que cette dernière est primordiale. Il ne faut rien attendre des politiques !»
Pour Caroline de Haas, fondatrice d’Osez Le Féminisme, la naissance du collectif est presque logique. « Toutes les organisations sociales, les syndicats, les associations, etc. reproduisent des mécanismes de discrimination et de domination, parfois malgré elles. On a été biberonnés aux stéréotypes racistes, sexistes, homophobes, et il est complexe de s’en détacher ! En créant le journal d’OLF, nous avons par exemple exclu d’emblée toutes les Françaises analphabètes, sans s’en rendre compte ! ».
Un« sujet délicat »
Difficile, donc, de concevoir un féminisme qui comprendrait toutes les femmes et leurs problématiques. Pour Laure Jouteau, ancienne militante OLF et fondatrice de l’entreprise Les Aventurières, parler de discrimination est aussi une question de légitimité. « Ecrire sur le racisme, c’est un sujet délicat quand tu es un groupe petit, blanc, comme nous l’étions aux débuts d’OLF. Nous n’avions pas tout le panel de discriminations. Quid d’une femme musulmane ? Quid d’une femme handicapée ? Quid d’une femme vivant dans la pauvreté ? En réalité, la question peut être : qui suis-je pour parler au nom des femmes noires ? »
Toutes ces questions font écho à l’actualité, et plus particulièrement à l’émergence de nouveaux antiracistes, désormais militants communautaires au contraire d’organisations historiques comme SOS Racisme. Tous les combats peuvent être menés, oui, mais pas efficacement par tout le monde ?
« Ce qui m’attriste, c’est que le féminisme ‘mainstream‘, comme l’appelle Mwasi, n’ait pas réussi à prendre en compte toutes les problématiques des femmes, explique Caroline de Haas. Cependant, cette multiplicité de groupes montre la vitalité du féminisme. C’est normal que les meufs disent ‘on va aller créer une organisation qui nous représente sous tous les aspects’. »
Un optimisme partagé par les quelques 14 000 personnes qui suivent Mwasi sur Facebook (aujourd’hui, ndlr). Le collectif a récemment publié sur sa page une initiative pour répondre aux récents propos de la Ministre Laurence Rossignol. Sur la même page, il avait dénoncé, comme de nombreux internautes, l’embauche d’une actrice moins noire que Nina Simone pour jouer dans le biopic de cette dernière.
Ann-Laure Bourgeois
Lire l’article :
…c’est le féminisme porté par les femmes noires qui veut faire évoluer le statut de cette dernière, comme les idées soutenues par les femmes de l’organisation des Black Panthers, ou d’autres organisations dans les années 70 aux Etats-Unis.
… est un collectif afroféministe, son nom veut dire « femme » en lingala, langue parlée au Congo.
…serait (et on insiste sur « serait »)celui des grandes organisations très connues comme Chiennes de garde, Osez le féminisme, Les Femen ( ?), etc. Mwasi affirme ces organisations s’adressent et concernent les femmes blanches avant tout. |
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