Elle se moque du contenu de Biba, Glamour ou Cosmo, raconte sur scène qu’elle a flatulé chez l’esthéticienne et dénonce les inégalités hommes-femmes. À 28 ans, Tania Dutel, fait rire grâce à son  humour mordant et engagé. « C’est difficile d’être une femme humoriste car on pâtit des clichés qui laissent entendre que les femmes ne sont pas drôles, ou moins drôles que les hommes ! » explique-t-elle d’emblée. Celle qui joue tous les mercredis à la Nouvelle Seine à Paris a accepté de répondre aux questions des Intelloes. 

LES INTELLOES: Qu’est-ce qui t’a conduite à faire tes vidéos sur les magazines féminins ?

Tania Dutel: Je sais que ces magazines visent essentiellement les adolescentes. Je n’ai pas envie qu’elles lisent ces trucs et se disent : « putain, c’est ça qu’il faut faire pour être belle ! ». C’est pas la vraie vie, ces magazines !

Que voudrais-tu que ces ados lisent, alors ?

Des vrais livres ! Elles n’ont pas besoin de conseil pour avoir des tenues différentes tous les jours, connaître tous les nouveaux sites de maquillage.

J’aimerais qu’il y ait une prise de conscience par rapport aux magazines féminins, mais je n’y crois pas. Il faudrait que nous nous mettions à les boycotter, mais il y aura toujours des femmes qui les liront dans l’espoir d’être plus belles.

Comment procèdes-tu pour faire tes vidéos sur les magazines féminins ?

Je vais d’abord dans un kiosque, je prends tous les magazines les plus nuls : Biba, Cosmo, Grazia, Glamour. Quoique, Biba n’est pas si mal, parfois ! La première fois que je l’ai acheté, j’ai été surprise, il n’y avait rien à dire ! (rires).

Ensuite, selon les titres, je décide si je les achète ou non. Vient ensuite le moment de la lecture. Là, je sélectionne les points que je vais aborder. Puis je dois acheter la version numérique pour pouvoir mettre les articles sur les vidéos. Je donne beaucoup d’argent à ces magazines en fait ! (rires).

Maintenant, j’ai besoin de deux à trois heures pour écrire la vidéo pour un magazine. Ensuite, c’est mon cadreur-monteur qui tourne l’épisode et le monte.

Qu’y aurait-il dans un magazine féminin idéal ?

J’aimerais bien un magazine qui parle de beauté avec des méthodes et des produits naturels. Il faudrait qu’il propose des vrais articles, qui traitent de l’actualité. Qu’on nous apprenne quelque chose, quoi ! À la place des mannequins, j’aimerais bien voir des vraies nanas comme Kate Winslet qui refuse de se faire retoucher.

Dans tes vidéos sur Facebook, tu n’hésites pas à t’afficher au naturel, est-ce un acte militant ? 

Je n’en peux plus de voir dans tous les magazines féminin tous ces conseils pour être plus belle!

Quand je regardais des films auparavant, j’admirais le teint des filles à l’écran, je pensais vraiment qu’en prenant soin de soi, on pouvait avoir une peau parfaite, comme elles. Mais c’est totalement faux !

J’ai des cernes depuis toujours et j’ai décidé d’accepter mon physique. Je ne me tartine pas de maquillage pour essayer de ressembler à quelqu’un d’autre.

Qui veux-tu faire rire ?

Dans mon spectacle, je m’adresse surtout aux 25-35 ans, voire 45 ans. Mais dans mes vidéos Facebook sur les magazines féminins, je veux aussi parler aux adolescentes.

Quand j’ai commencé le stand-up, je pensais que mon public serait essentiellement féminin. Mais sur les plateaux, je me suis rendue compte que je faisais plus rire les hommes, car les femmes sont parfois mal à l’aise avec ce que je raconte. L’une d’entre elles m’a dit un jour : « j’ai eu l’impression que tu dévoilais tous mes secrets à mon mari ».

En revanche, ce sont surtout des femmes qui viennent voir mes spectacles. Elles sont parfois accompagnées de leur mari ou de leur copain. C’est plutôt rare que des hommes viennent en groupe d’eux-mêmes.

Tu as perdu beaucoup de poids. Que dire de ton expérience par rapport à ce corps parfait que tu dénonces dans les magazines ?

Avec toutes ces femmes parfaites autour de nous, je ne m’accepte toujours pas! C’est paradoxal car j’ai envie qu’on laisse les femmes tranquille. Parallèlement, je n’ai toujours pas fait la paix avec mon corps. Si cette image de femme parfaite disparaissait, les filles en surpoids se feraient certainement moins emmerder. Avant de maigrir il y a trois ans, je me faisais tout le temps insulter dans la rue !

Tania Dutel sur scène

Tania Dutel sur scène

As-tu inventé cet épisode que tu relates dans ton spectacle, celui où tu as des flatulences chez l’esthéticienne ?

Non, cette histoire m’est vraiment arrivée ! Je n’ai plus jamais remis les pieds dans ce salon, alors que j’y allais tout le temps avant ! J’ai voulu effacer ce moment de ma mémoire. Puis un jour, j’y ai repensé et je me suis dit qu’il fallait absolument le raconter sur scène !

Tu parles de ton expérience en couple…

Oui, je parle des mecs qui sortent d’une longue relation et qui ne veulent pas se mettre en couple tout de suite. Mais comme par hasard, celle qui vient après toi est la bonne. Ou sinon, je ris de ceux qui vous harcèlent de message, puis qui disparaissent dans la nature après avoir couché avec vous !

Es-tu féministe ?

Oui ! Dans mon spectacle, je prône l’égalité homme-femme. Je parle beaucoup de la condition des femmes et de leur place dans la société. J’ai une blague sur le viol, sur les mains aux fesses dans la rue, sur les propos sexistes de ce député polonais au Parlement européen. Je commence également à parler de la condition des femmes noires, mais ça reste anecdotique. J’aimerais bien développer ce sujet.

Penses-tu toucher moins de gens en tant qu’humoriste engagée ?

Je ne pense pas toucher moins de gens. Mais je pense que certaines personnes me détesteront profondément quand j’aurai une grande communauté derrière moi.  Comme ceux qui adhèrent aux idées du Front National par exemple, car antiféminisme et racisme vont souvent de pair. Mais ça, je n’en ai vraiment rien à faire !

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois

 

Tania Dutel est sur les planches de La Nouvelle Seine à Paris tous les mercredis. La billetterie est disponible ici.