Auto-géré, principalement féminin et solidaire, ce sport de contact a fait son arrivée en France dans les années 2000. Alliant vitesse et combat, il se pratique dans un esprit de sororité. 

Il est 20 heures lorsque nous arrivons rue de Harlay, près de la cathédrale Notre-Dame à Paris. Nous rencontrons une ligue au nom évocateur, Les Calebrutes. Née en 2015 et initialement masculine, elle est devenue mixte en intégrant une équipe de femmes l’année suivante, Les Tamponneuses. Cette évolution fait figure d’exception dans le monde du sport, où les deux sexes s’affrontent dans une même compétition.

Logo des Tamponneuses et des Calebrutes 

 

Un sport de contact

Sur le bitume, un « track » a été tracé. C’est la piste sur laquelle les joueurs s’entraîneront.

Bouteilles d’eau et sacs à dos à terre, les sportifs investissent lieux. Ils revêtent leurs patins, mais aussi des protections pour les genoux, les poignets et même les dents, tels des boxeurs !

Car le roller derby n’est pas seulement une affaire de glisse. C’est avant tout un sport de contact, parfois violent.

Les membres de la ligue échangent quelques phrases, rient entre eux pour décompresser de leur journée. Mais le sérieux reprend le dessus lorsque le coach prend la parole. Ils participent aux championnats de France la semaine suivante. Leur air concentré donne une envie subite d’enfiler des patins pour les rejoindre.

 

Les joueurs concentrés autour de l’entraîneur – Crédit: Héloïse Rakovsky

 

L’engouement pour le roller derby remonte à plusieurs années. Le patin à roulettes connaît un essor dans les années 1880 aux Etats-Unis. Le terme « derby » apparaît pour la première fois en 1922, et les premières compétitions s’organisent. Mais il ne s’agit alors que de courses d’endurance. Pourtant, la pratique avait si bonne presse que les coureuses de l’époque se bousculaient pour gagner la partie.

 

Un joueur s’entraîne à bloquer. Crédit: Héloïse Rakovsky

Le sport devient alors plus spectaculaire et impressionnant. Les médias s’emparent du phénomène et le roller derby arrive dans l’Hexagone dans les années 1940. Après la deuxième guerre mondiale, l’intérêt s’essouffle et il tombe presque dans l’oubli.

Outre-Atlantique, le roller derby connaît un regain dans les années 2000. Il se pratique de manière presque chorégraphiée et plus moderne, essentiellement féminine. A nouveau, les salles sont remplies de plusieurs milliers de fans.

En France, il s’est considérablement développé depuis l’arrivée de « Bliss ». Le film de Drew Barrymore met en scène Ellen Page dans le rôle d’une adolescente découvrant le roller derby. Sorti en novembre 2009, il rencontre un franc succès et suscite des vocations.

Le roller derby traité dans le film "Bliss". Crédit: Ari Graynor

 « Bliss » de Drew Barrymore. Crédit: Ari Graynor

Un sport qui permet l’affirmation de soi

Rue de Harley, nous rencontrons Anastasia, 23 ans, en école d’ingénieur. « Beretta » sur le terrain, elle nous raconte ses débuts dans le roller derby. « J’ai toujours fait du roller, mais j’ai dû arrêter à cause de mes études. Un jour, on m’a offert des patins, et j’ai commencé. »

Elle nous livre son ressenti sur sa ligue mixte : « Il n’y a pas de conflit avec les hommes dans la ligue. Les filles présentes en imposent, elles ont du caractère. Et même si les garçons sont plus brusques, les femmes sont tout autant capables de les faire tomber ! » 

Car si le roller derby est un sport physique et badass, il accepte différentes morphologies: « Svelte ou non, nous sommes toutes accueillies. Jammeuse ou bloqueuse, peu importe le gabarit, tout le monde a de la valeur. »  Un sport qui transmet également un message de force : « c’est un sport féminin, certes, mais il montre aux hommes que nous n’avons pas peur d’aller au combat. » 

Une manière de s’imposer, donc. Mais le roller derby est un sport attrayant, vecteur d’énergie qui a également convaincu les hommes. Anastasia réagit: « Ce sport nous est tombé dessus. Mais je ne doute pas que les hommes vont tenter de le récupérer et de se l’approprier… »

 

Anastasia pendant l’entraînement – Crédits Héloïse Rakovsky

 Une démarche militante

Pour garder l’exclusivité féminine, certaines ligues ont pris le parti de ne plus accepter les hommes au sein de leurs équipes. Une décision prise par Les Panthers, une ligue réservée aux femmes et aux minorités de genre.

Nous avons échangé avec Anaëlle, surnomée « Goldy » qui a intégré la ligue en 2013: « J’ai vu le film Bliss 2009, une très belle découverte. Un jour, on m’a offert des patins et c’est devenu viscéral. Je me suis inscrite chez les Panthers« .

Logo de l’équipe des Roller Derby Panthers

Elle nous raconte également que l’investissement est primordial dans le roller derby. Etre actrice à 100% de la vie de son équipe permet de faire vivre le sport : « Quand j’ai démarré, la ligue existait depuis un an, nous étions peu nombreuses et le roller derby n’était pas très reconnu. Il y avait peu de créneaux dans les gymnases. Souvent, on s’entraînait à l’arrache, dans des parkings. Mais on était passionnées et motivées. »

Des hommes parmi les femmes

Motivées, c’est certain! En peu de temps, Les Panthers font partie des huit meilleures ligues de France. Mais les joueuses ont fait un constat après avoir enchaîné les compétitions à haut niveau : les coachs, les arbitres, et les commentateurs sont des hommes la plupart du temps.

« On s’est rendues compte de ça et on a voulu le mettre en lumière en offrant un espace « safe » (sécurisé, ndlr.) pour les femmes et minorité de genre« . Annaëlle, a activement participé à la rédaction d’un plaidoyer à ce sujet publié sur le site de la ligue.

Anaëlle, membre des Roller Derby Panthers – Crédits ©Photobaroudeurs

Une aide à la construction sociale

Après des décennies sportives où les hommes tenaient le flambeau, les femmes auraient-elles enfin trouvé un sport à elles ? En termes de médiatisation, et de rémunération, le sport est toujours un milieu dominé par les hommes.

Mais pour le roller derby, c’est autre chose. Anaëlle explique qu’il participe même à une forme d' »empowerment » (émancipation, ndlr) des filles.

« En général, on pousse les petites à faire de la gym ou de la danse. Des sports dans lesquels il y a de la compétition et où le regard de l’autre importe. Dans le roller derby, en cas d’indisponibilité de l’une des joueuses, les ligues échangent et se remplacent, c’est une autre manière de voir le sport ». Un bel esprit de sororité qui respecte les règles du fair play tant prôné dans les affrontements.

L’équipe des Roller Derby Panthers – Crédits ©Photobaroudeurs

Dépassant les préjugés qui voudraient que les femmes soient soumises à la règle de Queen Bee, le roller derby favorise donc la sororité et la solidarité : « Nous nous dépassons physiquement, et le regard sur soi change. On tombe, on prend des coups, on se fait défoncer…mais on se relève. »

Héloïse Rakovsky

 

 

Les règles du roller derby sont simples…

  • Le jeu se déroule sur une piste ovale.
  • Un match se compose de deux mi-temps de 30 minutes. Une mi-temps est découpée en sous-périodes, appelées « jams » d’une durée maximale de deux minutes.
  • Les deux équipes s’affrontent et comportent chacune cinq joueurs : un jammeur et quatre bloqueurs. Les bloqueurs des deux équipes doivent rester groupées en un «pack» en roulant autour de la piste.
  • Les jammeurs vont devoir doubler un maximum de fois le pack en effectuant des tours de piste. A chaque fois qu’un jammeur double une adversaire, il fait gagner un point à son équipe.

Héloïse Rakovsky

Règles du roller derby. Crédit: Les Panthers

Règles du roller derby. Crédit: Les Panthers