Les Intelloes ont sélectionné pour vous cinq livres à bouquiner près du sapin en décembre. Voyage dans le désert américain, portrait de féministe d’un autre siècle, harcèlement dans les transports au Japon, vengeance ou encore deuil ; une sélection à la fois éprouvante et passionnante.

Un simple viol, de Marie-Sabine Roger

 

Couverture d'

© éditions Babel

La vengeance est un plat qui se mange froid. Un soir d’hiver, alors qu’elle rentre au domicile familial, Maud, 12 ans, est violée par un inconnu dans une ruelle sombre. À 17 ans,  elle n’a pas oublié cette nuit. Qui l’oublierait ? Maud n’a jamais parlé. Jamais raconté. Depuis, la vie de l’adolescente n’est que rage et colère. Maud est vide, triste et violente. Elle se répète : « fallait pas être en vie ».

Pour passer le temps, elle boit et drague pour combler ses désirs sexuels. C’est elle qui décide maintenant. Mais elle n’aime jamais. Au fond de sa poche, elle garde un cutter et joue avec la lame. Au cas où. Elle cherche toujours cet homme sans pour autant s’en souvenir. « C’est un fantôme. » Jusqu’à la fin, Marie-Sabine Roger transporte le lecteur dans la tête de cette jeune femme pour lui faire pleinement ressentir sa peine et sa douleur.

Un roman noir, bouleversant et terrifiant qui ne s’oublie pas, comme un « simple viol ».

Un simple viol, Marie-Sabine Roger, éditions Babel, 128 pages, 6,80€, sorti le 4 octobre 2017

 

 Gabriële, de Anne et Claire Berest 

 

Couverture de Gabriele de Anne et Claire Berest

© éditions Stock

Portrait de féministe du XXe siècle. Anne et Claire Berest, les autrices, sont les arrières-petites-filles de Gabriële Buffet-Picabia. En découvrant et fouillant les archives familiales, elles se décident à raconter l’histoire de cette femme au parcours époustouflant.

Gabriële est née en en 1881 d’une famille aisée. Elle s’est battue et acharnée pour réaliser ses études de musicienne. Elle est d’ailleurs la seule fille de sa promotion. La compositrice rencontre Francis Picabia, le peintre, en 1908. Elle a 27 ans et devient « la femme au cerveau érotique ». Au cours d’éprouvantes discussions autour de l’art avant-gardiste, elle pousse son mari dans ses retranchements. Gabriële a toujours une longueur d’avance. Avec sa force, elle ensorcelle Marcel Duchamp et Guillaume Apollinaire.

Gabriële est un formidable ouvrage à lire et offrir pour faire lumière sur toutes ces artistes oubliées.

Gabriële, Anne et Claire Berest, éditions Stock, 450 pages, 21,50€, sorti le 23 août 2017

 

Les sables de l’Armagosa, de Claire Vaye Watkins

 

Couverture des Sables de l'Armagosa de Claire Vaye Watkins

© éditions Albin Michel

Dans une Amérique post-apocalyptique, la sécheresse fait rage. Il ne reste que quelques résistants à Central Valley. La population a fui, terrassée par la peur d’une tempête de sable qui menace d’éclater. Parmi les courageux qui s’obstinent à l’intérieur des frontières, Ray et Luz ont investi la maison d’une ancienne star.

Au milieu de cet univers aride, ils participent à une danse hypnotique en l’honneur d’un Dieu de la pluie déchue. Ils y rencontrent Ig, une enfant au corps brutalisé et à l’esprit docile. Les personnages entament alors un long voyage à travers l’Armagosa, à la recherche d’une terre nouvelle. Au coeur de ce désert où tout se confond, ils affrontent les désillusions avant de s’affronter eux-mêmes.

Claire Vaye Watkins signe un roman touffu et complexe où manipulation et quête de liberté se mêlent grâce à une écriture incisive.

Les sables de l’Armagosa, Claire Vaye Watkins, traduit par Sarah Gurcel, éditions Albin Michel, 403 pages, 23,50€, sorti le 23 août 2017

Une fleur sur les cadavres, d’Émilie Blachère 

 

Couverture d'une fleur sur les cadavres d'Émilie Blachère

© éditions Plon

De l’annonce à l’acceptation, le chemin est long. Dans ce récit, Une fleur sur les cadavres (éd. Plon), la journaliste Emilie Blachère tente de reconstruire les derniers instants de son défunt compagnon. Rémi Ochlik, photographe de guerre réputé, est mort le 22 février 2012 à Homs en Syrie. « Rémi a été tué par un ‘blast’.»

Pour lever la vérité, l’auteure se rend sur les traces du photographe et rencontre les « chasseurs de bourreaux » afin que ces derniers soient jugés devant la Cour pénale internationale. Par ces dires, le lecteur découvre les techniques barbares utilisées en Syrie pour faire taire et/ou tuer. Viols, tortures, humiliations… Un véritable enfer sur terre.

Une enquête réaliste et saisissante pour comprendre et dénoncer ce qu’il se passe au Moyen-Orient.

Une fleur sur les cadavres, Émilie Blachère, éditions Plon, 288 pages, 17€, sorti le 5 octobre 2017

Tchikan, d’Emmanuel Arnaud et Kumi Sasaki

 

Couverture de Tchikan d'Emmanuel Arnaud

© éditions Thierry Marchaisse

Les « tchikan », c’est comme cela que l’on appelle les agresseurs sexuels des transports en commun au Japon. Kumi a douze ans et prend tous les jours la ligne YamatoSen pour se rendre au collège. C’est ici, au milieu d’un wagon rempli, qu’elle perd l’innocence de son enfance. Trajet après trajet, elle narre l’insupportable effraction de son intimité de jeune fille. La banalité de ces gestes intrusifs rend le calvaire de Kumi plus corrosif encore.

Grâce à une écriture presque enfantine et quelques dessins qui fleurissent le récit, Kumi Sasaki et Emmanuel Arnaud, son compagnon français, racontent à deux les traces laissées sur un corps d’enfant. Entre le silence et l’incohérence, Kumi désespère et fait gronder en elle la révolte. Un livre qui brusque et qui interroge sur l’omerta de l’impunité.

Tchikan, Emmanuel Arnaud et Kumi Sasaki, éditions Thierry Marchaisse, 126 pages, 14,90€, sorti le 5 octobre 2017

 

Judith Bouchoucha & Héloïse Rakosvsky