Leur personnage est donneur de leçons et bien-pensant. Ils mettent sur table des thèmes évocateurs qui touchent un large public comme La salope et le vote blanc. En quatre minutes, les réalisateurs Fabrice de Boni et Axel Lattuada, et le journaliste Marc de Boni veulent éveiller les consciences grâce à des vidéos pédagogues, ultra-documentées, et pleines d’humour qui dépassent le million de vues. Fabrice et Marc sont frères. Le premier a rencontré Axel lors d’un rendez-vous professionnel : “J’étais chargé de regarder sa pièce de théâtre, puis de lui dire tout ce qui n’allait pas. J’avais un rôle de merde, en fait!, plaisante-t-il. Mais ça ne nous a pas empêché de nous entendre”.

Si bien qu’ils ont commencé à réaliser Et tout le monde s’en fout (ETLMSF), avec Marc à leurs côtés. Les trois hyperactifs ont accepté de répondre aux questions des Intelloes.

Les Intelloes: À quoi est dû votre succès ?

Marc de Boni :  Le mariage de nos trois énergies différentes fonctionne très bien. On souhaite rendre les choses légères et accessibles.

Dans Et tout le monde s’en fout, nous reprenons des codes d’humour de Youtube qui fonctionnent sur Internet. Nous nous adressons au grand public, et faisons de l’interpellation et de la sensibilisation auprès de ceux qui se posent des questions.

Votre personnage est un peu donneur de leçons, non ?

Fabrice de Boni: Il est condescendant, sévère, râleur, cynique et agressif !  Il parle la bouche pleine, et il dit tout haut ce que des gens pensent tout bas. Il fallait un personnage imparfait qui puisse apprendre des choses sur lui-même, et donc évoluer. Une très petite partie des internautes déteste ETLMSF, ça les met en colère. Cependant, ils font partie de nos meilleurs spectateurs puisqu’ils regardent tout et critiquent tout, ce qui est très bien pour nous en terme de visibilité ! (rires.)  

 

Comment choisissez-vous les sujets que vous traitez ?

Marc de Boni: Notre matière première, c’est la dissonance cognitive : ce sont les infos que l’on pense avoir compris mais dont nous faisons tout le contraire. À titre d’exemple, nous savons désormais que le tabac est mauvais pour la santé, pourtant j’ai des clopes dans ma poche. Femmes, mères et filles participent à l’économie des foyers, mais la société trouve tout de même normal qu’elles soient payées 30% de moins que les hommes à travail égal.

C’est la différence entre la connaissance et la conscience. À partir du moment où l’on a conscience, on agit. Avec ETLMSF, nous essayons de faire passer les gens de la connaissance à la conscience.

Axel Lattuada : Beaucoup de sujets sont issus de nos longues discussions. Lorsque nous avons commencé à travailler ensemble, nous avons établi une longue liste de thèmes que nous aimerions aborder. Il y en a des centaines et des centaines : l’être humain fait n’importe quoi depuis longtemps, c’est inépuisable ! (rires.)

Qui espérez-vous toucher avec ETLMSF ?

Fabrice de Boni: On souhaite toucher des personnes au bord de la prise de conscience, entre 12 et 60 ans. Nous nous adressons aux très jeunes, comme aux très âgés. Notre public est intergénérationnel, il est aussi féminin à 50%.

Axel Lattuada: Nous estimons que les sujets sur les femmes concernent aussi bien la gent féminine que les hommes. Au même titre que le racisme qui concerne les Blancs, les Noirs et autres personnes racisées.

Il est nécessaire de parler du patriarcat qui est quand même le plus gros scandale de l’humanité. On a affaire non pas à une minorité, mais à une majorité oppressée ! Certains arrivent encore à trouver ça cool…

Quelle est la réaction des internautes face à vos vidéos ?

Marc de Boni: Nous avons des retours très positifs, certaines personnes prennent des initiatives après avoir vu ETLMSF. Une  femme a installé un système pour utiliser l’eau de pluie suite au visionnage de la vidéo sur l’eau. Nous recevons des centaines de messages par jour, et 98 % d’entre eux disent merci.

Nos vidéos sont aussi montrées dans des écoles et dans les séances de développement personnel. Beaucoup de gens nous donnent aussi pour mission de parler de tel ou tel sujet. Certains nous reprochent de ne pas aller assez loin dans nos vidéos. Mais nous ne sommes pas une chaîne de vulgarisation scientifique! 

Pouvez-vous nous parler de vos parcours ?  

Axel Lattuada : J‘ai fait des études cinéma, je suis venu à Paris pour travailler en tant que réalisateur pour gagner ma vie, j’ai travaillé longtemps en tant que monteur. A côté de cela, j’ai écrit et réalisé 10 courts-métrages, ainsi qu’une pièce de théâtre, Mortis Mercator. Suite à cela, j’ai fait ma première web-série.

Fabrice de Boni : J’ai étudié les lettres modernes. J’ai ensuite tout repris à zéro en intégrant une école de cinéma. J’ai été assistant de réalisation. Je me suis un jour acheté un chapeau, je me suis assis sous l’Arc de triomphe, et j’ai décidé que j’étais réalisateur. J’ai aussi été professeur de dramaturgie. J’écris beaucoup. Je suis devenu coach en neurosciences appliquées et j’ai cofondé l’association féministe de lutte pour l’égalité des genres, Les Chahuteuses.

Marc de Boni : J’ai étudié l’histoire et les sciences politiques, et le journalisme au Centre de formation du Journalisme à Paris (CFPJ). J’ai travaillé dans la vidéo pour le web, j’ai été grand reporter en presse écrite pour Le Figaro. Aujourd’hui, je quitte mon poste pour m’investir à plein temps dans ETLMSF.  

Quels sont vos projets pour ETLMSF ?

Fabrice de Boni: Un livre inspiré de la série devrait sortir en octobre 2018, il ira plus loins dans les sujets abordés.

 

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois