Le podcast Ou peut-être une nuit donne la parole aux victimes d’inceste et révèle comment cette violence sexuelle très répandue s’est immiscée dans notre société sans qu’on puisse en parler.
“Quand j’étais petite, mon grand-père paternel a eu des gestes… genre déplacés. Interdits… j’ai été attouchée sexuellement de mes 6 ans à mes 12 ans. (…). Il l’ a fait sur ma grande soeur aussi. Et avant, il l’a fait sur sa propre fille.”
Ces mots sont ceux de Julie, une jeune femme qui raconte son histoire d’une voix tremblante et chargée d’émotion dans le dernier podcast Ou peut-être une nuit du studio Louie Media.
Créée et présentée par la journaliste Charlotte Pudlowski, cette série de 6 épisodes constitue la saison 2 du podcast Injustices. Elle est consacré à un sujet tabou : l’inceste. Défini dans le dictionnaire comme des “relations sexuelles prohibées entre parents très proches de sexe différent”, l’inceste est spécifiquement reconnu comme un crime par la loi. Pourtant, ce type de violence sexuelle serait très répandu : 4 millions de personnes en France déclaraient en avoir été victimes en 2015.
« On a échappé au pire »
“Je crois que j’ai vite compris qu’on avait échappé au pire, mon frère ma soeur et moi, au pire qui se déroule dans tellement de familles”, commence Charlotte Pudlowski dans l’épisode 1.
Son podcast dit des histoires bouleversantes et extrêmement touchantes. Il rappelle la grande vulnérabilité des enfants et des adolescents face aux adultes. Tout débute par l’expérience de sa propre mère qui n’a parlé à sa fille des violences sexuelles endurées dans son enfance que… 26 ans après sa naissance.
“C’était quelque chose d’impossible à raconter (…). C’était quelque chose dont je ne pouvais pas parler”, explique cette dernière.
Donner la parole
C’est avant tout la fabrication du silence autour de l’inceste que Charlotte Pudlowski veut comprendre. Pourquoi les victimes taisent ce qu’elles ont subi, alors que le traumatisme a de graves conséquences sur la façon dont elles se construisent. Pour cela, elle donne la parole à des expert.es, mais surtout à des victimes de violences sexuelles, des rescapées de l’inceste. Elle n’hésite pas à s’approcher au plus près de leur intimité.
“Ce qui m’arrive maintenant est compliqué. Le procès est déjà passé. Je ne peux pas dire que je me suis faite violée car ce serait parjure devant la loi (…). Car j’ai juré que ça ne m’était pas arrivé,” explique Julie qui n’a jamais eu la force d’avouer que son grand-père avait été au-delà des attouchements.
12 ans à parler
Selon une étude menée par Ipsos pour l’association Victimes et Traumatologie en 2019, les victimes de violences sexuelles commises dans l’enfance mettraient en moyenne 12 ans à parler.Comment obtenir réparation et aider à la reconstruction dans ce cas ? Ou peut-être une nuit prend alors tout sens et s’avère absolument nécessaire.
Fait inquiétant, les violences sexuelles à l’égard des femmes et des enfants auraient explosé durant le confinement du printemps dernier. En automne, le gouvernement devrait lancer une commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants. Le 3 octobre prochain sera organisée une table ronde consacrée au recueil de la parole des victimes d’inceste par Louie Média et la Fondation Kering.
De quoi espérer que le travail entamé par le podcast Ou peut-être une nuit se poursuive encore longtemps.
Ann-Laure Bourgeois
Retrouvez les épisodes de Ou peut-être une nuit ici.
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