(En couverture : Danielle Tang, Lise Desceul et Teresanna Donà, organisatrices du Salon du livre lesbien) 

Le 1er juillet se tiendra la 6e édition du Salon du livre lesbien à Paris. Créé en 2012 à l’initiative du Centre LGBT d’Île-de-France, il est organisé par une dizaine de bénévoles pour mettre en avant des œuvres écartées des « librairies de masse ». A cette occasion, des débats et des soirées sont organisés pour attirer un public varié. « Les autrices lesbiennes et celles écrivant sur des relations amoureuses entre femmes sont rarement bien représentées dans la littérature moderne et contemporaine », explique Lise Desceul, professeure de français. Aux côtés de Teresanna Donà, 41 ans, architecte de métier, et aux commandes du SLL depuis 2015 et de Danielle Tang, 36 ans, indépendante dans le web, elle a accepté de répondre aux questions des Intelloes.
Les Intelloes : Le 1er juillet prochain se tiendra la 6e édition du Salon du livre lesbien (SLL) à Paris. Pourquoi organiser un Salon du livre sur ce thème ?

Danielle : C’est plus qu’un thème ! Au départ, la création du SLL est faite pour rassembler et fédérer une communauté hétérogène. Nous souhaitions offrir un temps culturel aux femmes aimant les femmes ainsi qu’à leurs ami(e)s passionné(e)s ou juste curieux. Dans la communauté LGBTQIF++ (Lesbien Gay Bi Trans Queer Intersexe et Féministe, ndlr), les femmes disposent de peu d’offres culturelles en réalité. Nous sommes fières d’y contribuer !

Le salon est ouvert à toutes et à tous sans distinction de façon inclusive, ce n’est pas qu’un événement communautaire, loin de là. Le SLL a été conçu aussi pour donner l’opportunité à un public plus large au-delà notre communauté de découvrir cette littérature peu mise en avant sur le marché en dehors des éditions et des librairies spécialisées. C’est l’occasion pour toutes et tous de découvrir la diversité culturelle et la grande richesse de cette littérature.

Les auteures lesbiennes sont-elles suffisamment représentées dans la littérature moderne en général ?

Danielle : Les autrices lesbiennes (l’équipe du salon privilégie ce terme) et les autrices écrivant sur les amours et relations entre femmes sont rarement bien représentées dans la littérature moderne et contemporaine.

Ne parlons pas des livres érotiques mettant en scène des fantasmes purement masculins de femmes entre elles… Jugée confidentielle à ses débuts, communautaire et peu rentable, la littérature dite lesbienne ne bénéficie presque d’aucun relais dans les médias généralistes. Elle ne trouve pas de place dans les librairies de masse. Même si le Mariage pour Toutes et Tous est promulgué, face à cette société dominante où nous continuons à nous battre pour l’égalité femme-homme, les amours féminins restent ‘ hors-normes ‘.

La visibilité de ces femmes autrices et de leurs personnages fictifs, réels ou autobiographiques, est primordiale car elles inspirent et sont des modèles. Elles accompagnent la découverte et l’évolution de nombreuses autres femmes lectrices dans leurs vies, leurs cheminements intérieurs et leur épanouissement personnel.

Il existe également une représentation erronée des problématiques et identités lesbiennes
Les relations amoureuses lesbiennes sont-elles un tabou dans la littérature ?

Lise : Elles le sont malheureusement, comme le montre l’absence de représentation des lesbiennes dans la littérature à diffusion de masse. C’est précisément cette invisibilité que le Salon du Livre Lesbien essaie de pallier, en mettant à jour et à l’honneur des textes et publications trop souvent passés sous silence, notamment en-dehors du milieu lesbien et militant.

Il existe également une représentation erronée des problématiques et identités lesbiennes, lorsqu’elles sont saisies, voire exploitées par des œuvres qui ne sont pas écrites par des personnes concernées. Ces oeuvres proposent et alimentent des fantasmes autour d’une identité et d’une sexualité méconnues. Enfin, comme on a pu le voir pour les œuvres de Sappho par exemple, l’Histoire s’est chargée de modifier et de réécrire des textes afin de les rendre conformes à la norme hétérosexuelle.

Qui sont les auteures qui seront mises en avant durant le Salon du livre lesbien?

Lise et Teresanna : Le Salon du Livre Lesbien a pour vocation de mettre à l’honneur, de manière inclusive, le plus d’autrices possibles. En ce sens, les autrices néophytes et confirmées y ont leur place puisque le but est de rendre visible ce type de littérature. Notre librairie partenaire, Violette and Co, joue également un rôle important dans la mise en relation avec des nouveaux talents. Cependant, nous ne pratiquons pas une mise en avant sélective.

Nous accueillons cette année une trentaine d’autrices. Elles écrivent de manière variée des fictions, romans et nouvelles, des essais, des témoignages, des testaments, des tests, de la poésie, des livres pour enfants, des bandes dessinées, des romans graphiques… Cette année, deux débats sont organisés le jour du salon. Il s’intitulent Aventurière, romancière, guerrière : expression, représentation et signification du lesbien dans le parcours d’écriture pour le premier et le second Lesbianisme et féminisme dans le langage d’écriture.

Dans la littérature classique, quelles sont les auteures qui ont abordé le thème de l’homosexualité féminine ?

Lise : Dans la littérature occidentale consacrée, il existe effectivement des autrices classiques ayant abordé le thème de l’homosexualité, comme Sappho, Simone de Beauvoir, Renée Vivien, Violette Leduc, Colette, Gertrude Stein, Virginia Woolf… Sappho et Renée Vivien étaient homosexuelles et Simone de Beauvoir, Virginia Woolf et Colette se situaient davantage au sein du spectre contemporain de la bisexualité par exemple.

Quel futur espérez-vous pour le Salon du livre lesbien?

Teresanna : Nous avons des projets ambitieux ! Dans nos éditions futures, nous aimerions pouvoir toucher un public de plus en plus large.

Au fil des éditions, nous essayons de rendre le Salon plus visible, avec une portée médiatique qui aille au-delà de la région parisienne, et idéalement des frontières françaises pour toucher un public et des autrices francophones. L’an dernier, pour la première fois, nous avons accueilli quelques autrices en provenance des pays limitrophes, comme la Belgique et les Pays Bas ; cette année nous allons également accueillir une autrice en provenance du Canada !

Le Salon du Livre Lesbien qui se concentrait initialement sur une seule journée, offre désormais un panel d’activités différentes, comme les soirées rencontres avec les autrices, les soirée lectures, les expositions et les performances, qui s’étalent sur une dizaine de jours. Afin que l’intérêt vers la littérature lesbienne reste vif tout au long de l’année, nous envisageons d’organiser quelques soirées littéraires également en cours d’année : nous avons déjà essayé ce concept en début d’année, et espérons pouvoir le développer ultérieurement.

Last but not least, nous avons mis en place une page Facebook dédiée à l’actualité du Salon et à l’actualité littéraire lesbienne nationale et internationale. Nous aimerions que sur le long terme cette page devienne une référence pour repérer tous les événements autour de la littérature lesbienne (actualité relative aux autrices et aux maisons d’édition LGBT, sorties de livres, événements littéraires…). Je pense que nous allons bientôt devoir lancer des nouvelles campagnes de recrutement !

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois 

 

6e édition du salon du livre lesbien à la Mairie du 3e arrondissement.
2, rue Eugène Spuller, 75003 Paris (14h-18h)
Les autres événements autour du Salon du livre lesbien sont à consulter sur la page Facebook de l’événement ici.

                             Affiche du salon du livre lesbien