Alors que l’âge du premier rapport sexuel en France se situerait autour de 17 ans, Amy a fait l’amour pour la première fois à 30 ans, avec un homme marié. Aux Intelloes, elle a raconté son histoire.
Article initialement publié le 3 juillet 2019, publié à nouveau le 1er septembre 2020.
J’ai 31 ans, bientôt 32. Je travaille dans la finance, et je suis célibataire.
J’ai passé plusieurs années à l’étranger, ce qui a été une vraie expérience. Depuis mon enfance, je suis obnubilée par le rêve américain et j’ai tout fait pour le réaliser. Après mes études à la fac, tout s’est enchaîné : j’ai intégré une entreprise internationale et j’ai travaillé dans différentes villes aux Etats-Unis.
J’ai eu ce que je voulais, mais le bonheur n’était pas forcément là. Avant de rentrer en France, je vivais en Californie, j’avais un super job très bien payé et un appart’ de plus de 100 m2. Mais je me sentais très seule : aux Etats-Unis, c’est simple de rencontrer des gens, mais dès qu’il s’agit de nouer des relations profondes, ça se complique. Aujourd’hui, je compte mes “vrais amis” rencontrés là-bas sur les doigts d’une main.
Un jour, mon père est tombé malade, et j’ai réalisé ce qui était important pour moi. J’ai décidé de revenir à la maison.
Des efforts pour être “validée”
Ce retour au pays a été l’occasion de faire un travail sur moi-même. L’étranger m’avait donné l’idée que je pouvais être une nouvelle personne, mais j’ai réalisé que jusque-là, j’avais toujours fait des efforts pour être “validée”: au travail, dans mes relations amicales, ou encore à l’école.
La réussite est très importante pour mes parents. Immigrés musulmans, ils ont tout sacrifié pour que leurs enfants fassent de bonnes études. Il a fallu naviguer entre les deux cultures. A la maison, je ne connaissais pas tous les codes de la culture africaine, notamment la langue. En dehors de chez moi, mes amis, la plupart d’origine européenne, me considéraient comme une Blanche. Je n’ai pas eu beaucoup de proches qui avaient la même histoire que moi, et quelque part, j’avais le sentiment de renier qui j’étais. De plus, il n’y a pas de place pour la psychologie à la maison. Ma famille m’a appris qu’il faut être une femme forte et avancer tout le temps, pour son entourage.
Quand tu ne sais pas vraiment qui tu es ni quelle est ta place dans le monde, you’re not enough (tu n’es jamais assez, ndlr.) . Et je ne l’étais ni dans la culture africaine, ni dans la culture française.
C’est peut-être pour cela que pendant longtemps, j’ai manqué d’estime de soi : je ne me trouvais pas jolie, et trop grosse. A l’époque, les réseaux sociaux n’existaient pas et je ne me retrouvais pas dans les magazines que je lisais.
Pas confiance en les hommes
Cela a influencé mes relations intimes. Jusqu’à mes 25 ans, certaines choses que beaucoup avaient me paraissaient inaccessibles: trouver un petit copain, m’installer dans une relation. Pour moi, ça n’arrivait que dans les films ou dans les séries et pas aux filles comme moi qui n’étaient pas assez belles.
Je n’avais pas confiance en moi, donc pas confiance en les hommes. Je fuyais leurs tentatives d’approche et mon destin était quant à lui tout tracé : je n’aurais jamais de famille à moi et mourrais dans un super appartement – certes – mais seule avec mes chats.
Pour justifier cette attitude, je me suis cachée derrière la religion les premières années de mon adolescence : je souhaitais rester vierge jusqu’au mariage, mais cette excuse n’a pas été valable bien longtemps. Au lycée, je ne parlais pas de sexe, même avec mes plus proches copines.
Plus tard, j’ai lu plusieurs articles sur les personnes asexuelles, en imaginant que je n’avais pas de désir parce que mon corps était fait ainsi. Cependant, je ne me suis pas reconnue dans les personnes décrites.
Tout a basculé quand j’ai eu 28 ans. Mon corps s’est “réveillé”. Ca a commencé par un petit crush ( coup de coeur, ndlr.) pour un collègue aux Etats-Unis. Il me plaisait beaucoup mais il ne s’est heureusement rien passé avec lui. Lorsque je lui ai avoué que je n’avais jamais eu de relation sexuelle au détour d’une conversation, il n’a pas du tout compris.
10 ans de retard sur ma sexualité
Il m’a proposé d’aller dans un bar pour trouver un mec qui me débarrasserait de ma virginité, ce qui m’a donné la sensation d’être quelqu’un de bizarre. Après tout, les codes de la société disent qu’il faut coucher à l’adolescence. J’avais 10 ans de retard sur ma sexualité !
Cependant, je crois que cette petite histoire a changé quelque chose. J’ai pris confiance en moi, et j’ai commencé à mieux m’accepter. Les corps dénudés et l’attitude décomplexée des gens en Californie m’ont sans doute aidée.
Le “sexe” a fini par rentrer dans ma tête pour de bon et j’ai commencé à me masturber. Au début, je le faisais dans le noir, la porte close. Il ne fallait surtout pas que Dieu me voie! Le poids de la culpabilité a été assez fort, je pense qu’il vient de la religion, en plus du fait d’être une femme à qui ce genre de plaisir n’est pas autorisé.
Ces changements ont continué lors de mon retour en France. La première étape a été de trouver un nouveau boulot. Puis je me suis attaquée à mon poids, ce complexe de toujours. J’ai lu beaucoup de livres sur le développement personnel, je me suis forcée à m’ouvrir à mes amis. J’ai parlé de ma virginité, de mes galères, qui font partie de mon histoire. Mes proches ont aussi commencé à s’ouvrir à moi, ce qui m’a beaucoup réconfortée.
Se montrer en maillot
La nouvelle Amy* a également pris la décision d’apprendre à nager. L’idée de me montrer en maillot de bain m’en avait toujours empêchée, j’étais malade à l’idée d’aller à la piscine au collège.
Quand j’ai intégré mon groupe de natation, je n’étais pas parfaite, mais je m’en fichais. Le travail sur moi-même avait commencé à porter ses fruits. C’était un moment agréable, et je m’entendais bien avec tout le monde. J’ai rapidement progressé en natation mais un jour, j’ai paniqué dans l’eau. Le prof a alors passé le reste du cours avec moi et m’a aidée à maîtriser ma peur. Cet événement a tout changé.
Lors des cours suivants, Chris – c’est son nom – a continué à se concentrer sur moi. Je me suis sentie valorisée car je méritais cette attention, et il me l’a donnée. Je me suis alors mise à faire des trucs complètement dingues : j’arrivais à la piscine maquillée et bien coiffée. Le but était qu’il ait le temps de me voir avant que je mette mon affreux bonnet de bain ! Il a remarqué l’intérêt que je lui portais et de mon côté je sentais ses yeux sur moi en permanence. En maillot de bain, je ne pouvais pas me cacher : j’étais nue, dans les deux sens du terme.
Premier texto
Chris a fini par m’avouer que j’étais son type de fille. Ma couleur de peau, que je considérais comme une “faiblesse”, ne l’était plus. Pour cet homme-là, elle était même magnifique. J’ai pris l’initiative de faire le premier pas, six mois après le début des cours. Je lui ai envoyé un texto rédigé avec l’aide de mes copines. Il a répondu tout de suite et m’a proposé qu’on dîne ensemble peu après.
Ce soir-là, nous avons parlé de tout et de rien. Tout allait très bien jusqu’à ce qu’il me confesse qu’il était marié depuis deux ans avec une femme rencontrée cinq ans auparavant. Mon monde s’est alors effondré, mais j’ai gardé la face jusqu’à la fin de la soirée. Jamais je n’aurais imaginé qu’il était déjà en couple. Il ne portait même pas d’alliance, ce que je lui ai fait remarquer!
J’avais des idées très arrêtées sur le mariage et la fidélité : j’ai d’abord pensé que continuer à flirter avec lui était impossible. Cependant, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à lui. Avec l’arrivée de l’été et l’arrêt des cours de natation, je pensais que j’arriverais à passer à autre chose, mais pas du tout. J’ai discuté tous les jours avec Chris – ses messages étaient la première chose que je lisais le matin, et la dernière avant de m’endormir.
“Un privilège et un honneur de vivre ça avec toi”
A la rentrée, j’ai fait d’énormes progrès en natation et je suis passée dans le meilleur groupe, ce qui m’a beaucoup stressée. Chris a été là pour me rassurer et ses gestes ont continué à me bouleverser. Quand il m’a fait comprendre qu’il voulait avancer avec moi, j’ai fini par lui confier que j’étais vierge. Sa réaction m’a beaucoup surprise.
“Ce serait un privilège et un honneur de vivre ça avec toi. C’est un cadeau que tu me ferais”, m’a-t-il écrit. Ces mots m’ont achevée. Même s’il ne m’appartenait pas, il était parfait pour moi à ce moment-là. J’ai eu envie de foncer avec lui.
Nous avons fixé une date pour ma première fois. Très stressée, je me suis mis la pression : j’ai posé un jour de congé, j’ai regardé des vidéos pour ne pas passer pour une idiote. J’avais peur que ma virginité soit un “poids” pour Chris, et je voulais également qu’il prenne du plaisir comme avec une femme expérimentée.
Toutes mes copines m’avaient raconté que leur première relation sexuelle avait été une catastrophe et je voulais être préparée. Cependant, mon corps n’est plus celui d’une gamine et j’étais prête. Seulement, je n’en avais pas conscience à ce moment-là. Au final, il m’a suffi d’être moi-même. Ce moment a été hors du temps.
Nous avons réservé une chambre d’hôtel, je suis arrivée en avance. J’ai acheté des beaux sous-vêtements pour l’occasion, j’ai fait un joli brushing et j’ai mis du parfum. J’avais prévu une liste de choses à faire, dans un ordre bien précis. Mais rien ne s’est passé comme prévu, et cette journée a été la meilleure de ma vie.
Trop de complexes
Alors que je m’attendais à souffrir, presque à être empalée, je me suis laissée porter et le plaisir a été au rendez-vous. Chris a fait les choses à mon rythme, et nous avons fait l’amour trois fois. J’ai fini par avoir un orgasme lors de la dernière.
J’aurais voulu vivre tout cela avant mais aujourd’hui je suis convaincue que le timing n’était pas bon. Je n’étais pas prête, j’avais encore trop de complexes physiques et mentaux.
Aujourd’hui je fréquente toujours Chris en tant qu’ami et amant. Dès le départ, je savais qu’il ne serait pas à moi car il ne m’a jamais promis quoi que ce soit. Je prends ce qu’il m’apporte avant tout : de la confiance en moi et beaucoup de discussions spirituelles. Si je commençais à espérer autre chose, je m’effondrerais.
Jamais je ne pourrais le présenter à mon entourage car c’est un homme marié. Il fait du mal à sa femme et je suis complice. Malgré tout, je sais qu’il est là pour faciliter la transition vers quelque chose de plus grand et plus fort que lui.
Je suis officiellement célibataire et j’ai envie de fonder une famille dans les années à venir avec une personne qui sera à mes côtés tous les jours. Il me faut juste trouver quelqu’un… qui me mérite!
Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois
* tous les prénoms ont été changés
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