Une étude danoise publiée en septembre dernier souligne le lien entre la prise de la pilule et la dépression, en particulier parmi les adolescentes. C’est une vision sexiste de la contraception qui nous conduirait à ignorer ce phénomène, écrit le site Broadly. Doriane, thésarde et lectrice des Intelloes, fait le point sur la pilule et ses effets secondaires. Elle rappelle que le plus important est d’informer les femmes et de leur laisser le choix quant à leur contraception.
J’AI 27 ANS ET JE SUIS ETUDIANTE EN SCIENCES DES MATERIAUX. Je publierai une thèse prochainement. Je fais attention à mon alimentation, je fais du sport. Et comme beaucoup de femmes, j’ai eu des difficultés à trouver ce qu’on appelle communément « un bon gynéco ». Lorsque j’ai déclaré à ce dernier que je n’avais pas opté pour les hormones comme mode de contraception, ce dernier a été littéralement scandalisé, me donnant le sentiment d’être une adolescente sans cervelle. « Quoi ?! Mais il faut prendre la pilule, mademoiselle ! ».
Prescrite de manière systématique
Retraçons un peu l’histoire de la pilule. Les années 60 ont sonné comme l’avènement, la libération de la femme au plan sexuel en France. Le 9 mai 1960 marque la mise sur le marché de la première pilule, à savoir contraceptif oral, appelée Enovid, association de progestérone et d’œstrogène de synthèse. Cinq décennies plus tard, celle-ci est prescrite de manière quasi-systématique. Mais que contient véritablement une pilule, quel est son rôle et ses effets secondaires ?
Il est bon de rappeler que la pilule reste avant tout un médicament. Il en existe actuellement deux types en circulation : les pilules combinées (PC), contenant un œstrogène et un progestatif, appelées pilule de génération et les pilules micro-progestatives (PP) qui contiennent des doses plus faibles de progestatifs. On distingue par ailleurs 4 « générations » de PC, celles-ci sont définies par la nature de la molécule (progestatif de synthèse) utilisée.
Dosage supérieur aux quantités naturellement produites
La pilule, de par sa composition, permet de bloquer le fonctionnement ovarien en « simulant » le cycle féminin. Chaque mois, les ovaires fabriquent deux hormones les œstrogène et la progestérone en des quantités différentes. Or, la pilule correspond à un apport hormonal important dont le dosage est supérieur aux quantités naturellement produites par les ovaires. Ingérées sans interruption pendant trois semaines par mois, dans le cas des pilules combinées, elles constituent un apport d’œstrogène à fortes doses (20 à 50 fois ce que fabriquent les ovaires normalement) et [un] apport moindre de progestérone. La semaine sans apport hormonal, conduit à une chute des taux qui crée le phénomène des règles (menstruation) [1]. Notons que dans le cas des micropilules, leur prise doit être continue sur toute l’année.
Risques reconnus et effets protecteurs
Au-delà de son rôle de contraceptif, la pilule comporte des effets secondaires et des risques reconnus. Entre autres : acné, prise de poids, troubles des règles mais surtout un risque accru de thrombose veineuse. Par ailleurs, des études* récemment menées semblent indiquer une corrélation entre l’apparition des cancers du col de l’utérus et des seins, organes particulièrement sensibles aux fluctuations hormonales, avec la prise de pilules. Ces études font actuellement controverse du fait du facteur génétique qui est parfois occulté. De même, l’impact environnemental de leur consommation n’est pas négligeable : les résidus hormonaux des pilules présents dans les urines et donc dans les égouts des villes peuvent, en fin de cycle, perturber la flore et la faune marine et se retrouver dans l’eau du robinet que l’on consomme [1]. Inversement, certains effets « protecteurs » de la pilule ont été mis en avant, notamment contre le cancer de l’endomètre.
Braver l’opprobre de certain(e)s gynécologues
Il est donc primordial d’être conscient(e) des risques, avérés ou non, de la prise de pilules contraceptives, et de laisser le choix aux femmes. La pilule permet d’éviter les grossesses non désirées mais ne protège aucunement des maladies sexuellement transmissibles (MST, IST). Le constat est le même pour les contraceptifs alternatifs tels que l’anneau vaginal, l’implant ou encore le patch qui s’assimilent à une autre forme de pilule puisqu’ils contiennent des hormones. En somme, j’engage les lectrices et lecteurs:
– à braver l’opprobre de certain(e)s gynécologues face à une patiente qui suivrait une contraception sans hormones (oui, oui !)
– à engager une réflexion intense avec son/sa partenaire et son/sa gynécologue avant de décider/poursuivre (d’) une contraception donnée.
Rappelons que, dans tous les cas, le préservatif reste la meilleure protection.
A bon entendeur…
Doriane Djomani
* http://cebp.aacrjournals.org/content/19/8/2073.full
http://www.breastcancer.org/research-news/study-questions-birth-control-and-risk
[1] http://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Nouvelles/Fiche.aspx?doc=pilule-contraceptive-dangers-alternatives
Je n’arrive pas à publier de commentaire…
Ok ! My mistake 🙂
Oui, il est bien de rappeler que les femmes ont le choix. Mais je suis atterrée de voir que le choix de ne pas prendre la pilule est de plus en plus souvent apparenté à une décision idéologique et féministe. Féministe, grande lectrice de presse féministe, très convaincue par les arguments que j’entendais, j’ai commis l’erreur de prendre cette décision sans faire de bilan gynécologique sérieux au moment de l’arrêt. Résultat : j’ai développé une endométriose sévère. Je rappelle (et je l’ignorais) que l’endométriose est une maladie de plus en plus répandue, qui toucherait environ 10% des femmes, et que le meilleur traitement (pour le moment) évitant sa progression reste la pilule. Après de lourdes opérations, je n’ai pas eu d’autre choix que celui de reprendre la pilule, et je me suis mordu les doigts d’avoir fait d’une question purement médicale un choix idéologique. Je ne dis pas que c’est ce que dit votre article, modéré et éclairé. Je pense qu’il est primordial de rappeler aux femmes que la pilule a, certes, des effets secondaires néfastes pour soi-même et l’environnement, mais qu’il faut un vrai bilan et un vrai suivi gynécologique, qu’on la prenne ou qu’on l’arrête (et le fait de ne pas la prendre ne justifie pas de s’en remettre à son seul médecin traitant pour les frottis : un suivi gynéco reste primordial). Encore une fois, je n’accuse pas ce papier, mais je trouve qu’il y a une tendance globale à culpabiliser celles qui font le choix de la pilule (« c’est votre gynéco qui vous l’impose », « en plus ça tue les poissons ») qui n’a absolument rien à voir avec la médecine – nous, féministes, ne sommes pas (toutes) docteures.
Bonjour Elise,
Je te remercie de ton témoignage instructif qui éclaire sur l’un des effets bienfaiteurs de la pilule pour soulager la douleur liée à l’endométriose; j’ai par ailleurs mentionné, dans une autre mesure, son intérêt dans le cas de la prévention du cancer de l’endomètre. J’insiste sur le fait que cet article vise à encourager à s’informer et à réfléchir sur les modes de contraception, qui ne se limitent pas à celui de la pilule/des hormones – c’est là le seul message sous-jacent de la discussion. Loin de moi l’intention de stigmatiser ce choix, on ne peut plus personnel. J’adhère tout à fait à ta remarque d’établir un bilan et suivi gynécologiques pour optimiser chaque situation. Dans une ère où l’information est à portée de main, il est nous dû de nous enquérir au mieux sur la question.
Je suis d’accord sur le fait qu’il faille luter contre les gynécos en France pour sortir de la pilule. J’ai du insister pas mal pour avoir un stérilet en tant que nullipare, malgré les rapports répétés de l’OMS comme quoi il n’y avait pas de corrélation entre DIU et infections de l’utérus… « le préservatif est le meilleur contraceptif » certes, sauf que dans une relation exclusive et stable, le sexe avec une capote c’est chiant pour tout le monde (sans parler des irritations dues au latex dont pas mal de nana sont aussi victimes, dont moi par exemple). A mon sens le DIU (de son vrai petit nom, moins anxiogène que stérilet) est la meilleure contraception: pas d’hormones quand il est en cuivre donc impact quasi nul sur la santé des femmes, tranquillité – pas besoin de se rappeler quand t’as pris ta pilule ou mis ton anneau, il est posé et oublié pendant 3 à 5 ans – infiniment plus fiable que les méthodes Ogino ou de retrait (les spermatozoïdes en promenade dans le liquide séminal, ça existe malheureusement) et confort pour les deux partenaires. Maintenant la variété des méthodes permet à chacun-e de trouver ce qui lui convient mais il faut faire très attention quand on prône les méthodes « sans hormones » qui dans leur vaste majorité ne sont fiables que si on a une connaissance accrue de son corps, de son cycle et confiance absolue en son partenaire. Ce qui est loin d’être le cas pour toutes les filles, surtout les plus jeunes.
Salut Julia,
Merci pour ton commentaire détaillé. L’article visait, outre à éclairer sur le mode de fonctionnement d’une contraception à base d’hormones, à encourager les jeunes filles à prendre le temps de s’informer pour choisir, en toute connaissance de cause, le contraceptif adapté et à assumer cette décision face aux gynécologues. L’idée n’étant pas de prôner les méthodes sans hormones mais plutôt d’interpeller la lectrice face au diagnostic automatique de la pilule contraceptive à l’instar des antibiotiques.
Il est cependant vrai, comme tu l’as souligné, que la sélection d’un contraceptif dépend du cas de figure à savoir la sensibilité/réactivité de la personne, la situation amoureuse…Par conséquent, je ne pense pas qu’il y ait de solution meilleure qu’une autre (mis à part le préservatif dans un cadre très général), mais plutôt une solution optimisée à la physiologie de tout un chacun. Dans un système où nous retrouvons des hormones jusque dans nos assiettes, il est bon de garder en mémoire que les hormones présentent ses avantages mais aussi ses inconvénients. Il existe bien entendu d’autres méthodes contraceptives, dont le DIU, et libre à chacun de se renseigner à ce sujet.