Photo métro

Les Intelloes ont choisi de poser quatre questions sur le harcèlement dans les transports en commun à des femmes de tous âges sur deux terrains: le web (135 réponses) et la sortie dune bouche de métro à Paris où une centaine de femmes nous ont parlé de leur expérience. « Avez-vous déjà été suivie dans les transports en commun ou en sortant des transports en commun ? ». « Avez-vous déjà été touchée par un inconnu dans les transports en commun ? » font partie des interrogations posées.

Les résultats de notre sondage 
CHEZ LES FEMMES    (sur 135 interrogées sur le web)

91% affirment avoir déjà « embêtée » dans les transports

 

1 femme sur 2 a affirmé avoir déjà été suivie dans les transports

 

Plus d’1 femme sur 2 (64%) a affirmé avoir déjà été insultée dans les transports

 

Plus d’1 femme sur 2 (64%) a affirmé avoir déjà été victime d’attouchements dans les transports

 

CHEZ LA GENT MASCULINE                      (sur 57 interrogés sur le web)

 

85% des hommes interrogés affirment qu’ils seraient en colère si une femme de leur entourage était harcelée dans les transports

 

14% affirment qu’ils seraient tristes

 

52% d’entre eux pensent que les attouchements dans les transports arrivent « souvent »

 

 

 

 

Pour précision, une agression sexuelle est définie par le site service public.fr comme une « une atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. Il peut s’agir, par exemple, d’attouchements, de caresses de nature sexuelle ou de viol ».

CE QU’ELLES EN DISENT

La chose la plus frappante est l’absence de reconnaissance de certaines agressions par les victimes. Le phénomène du harcèlement et des agressions sexuelles dans les transports en commun semble être entré dans les moeurs. A tel point que, dans la rue, une femme d’une trentaine d’années réfléchit un moment :

«Heu… une fois, un monsieur s’est déshabillé devant moi et m’a montré son sexe. C’est une agression, ça ?»

Marie-Xavière Wauquiez, fondatrice de l’association Femmes en mouvement, association défendant une plus grande mixité hommes-femmes dans l’espace public commente: « Ce harcèlement est vécu au quotidien depuis la puberté. De plus, les femmes pensent que ce n’est pas du tout considéré par la justice comme une agression… ».

Certaines expliquent qu’elles prennent toutes leurs précautions.

« Il faut adopter un comportement de vie, ne pas se mettre dans des situations où on peut être agressée. A Lille, un monsieur étrange m’avait repérée dans le tram, j’ai décidé de ne plus monter dans le même wagon et puis voilà. »

Des mesures compréhensibles, certes, mais dont la légitimité se pose. Dans le cas inverse, un homme aurait-il opté pour le même choix?

DES SONDEES TEMOIGNENT SUR LE WEB…

« Le type qui m’a touchée a fait pareil à une autre femme, il avait plutôt l’air coutumier du fait mais pas coutumier de la tarte que je lui envoyée. »

L’une d’elles écrit simplement:

« Frotteurs et dragueurs lourds. »

CE QUE LES HOMMES EN PENSENT

Lorsqu’on lui parle des résultats du sondage, Matthéo* s’exclame :

« Ca m’étonne même pas! A la gare de Lyon, je vois des mecs suivre des meufs à 7h du mat’ ! Et puis la dernière fois j’étais dans le bus, tous les mecs regardaient la même meuf comme des chiens sur un os, quoi ! En tant qu’homme je vois souvent du ‘matage’ abusif. ».

Alexandre :

« Il y a une différence de perception, parfois. Y’en a certaines  qui ont l’impression qu’on les touche alors qu’on est juste serrés comme des sardines ».

Un anonyme sur Internet nous parle d’une femme de son entourage :

« Un type a éjaculé sur une amie. Je n’étais pas là. »

ET LA RATP ?

Lorsqu’on leur pose la question dans les couloirs du métro, des agents de la RATP sûreté, répondent spontanément :

« Les cas de harcèlement les plus nombreux sont les attouchements. Cela arrive très, très régulièrement, … ainsi que les vols à l’arrachée de téléphones portables… »

Florent,chauffeur à la RATP, affirme qu’en quelques années il n’a jamais vu d’agression sexuelle dans son bus.

« Après, on peut pas avoir les yeux partout. On ne peut pas conduire, gérer les usagers qui hésitent à monter, et vérifier s’il y a des frotteurs dans le bus. Même si certaines femmes ont du caractère et ne se laissent pas faire quand elles sont embêtées ». 

DES SOLUTIONS.. 

… proposées par Claire Gervais, urbaniste et membre de l’association Femmes en mouvement.

Les wagons réservés uniquement aux femmes: « Je suis contre, cela sous-entend qu’on met tous les hommes dans le même panier. De surcroît, dans les couloirs et sur les quais, le problème sera toujours le même ».

Signaler les agressions et le harcèlement via les applications: « Cela serait dissuasif et permettrait de réduire cette apathie des gens dans les transports, chacun est dans sa bulle! Mais le problème de réseau téléphonique se pose. »

Plus de campagnes contre le harcèlement: « …et plus de plaintes. On disposerait de plus de chiffres reflétant la réalité, et ça montrerait que ça arrive tous les jours. Les auteurs seraient réprimés pénalement et cela ferait disparaître les impunités ».

ON REMBOBINE 
  • Un rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes paru en avril 2015 souligne que 100% des femmes ont déjà été victimes de harcèlement sexiste ou d’agression sexuelle dans les transports en commun.
  • Le Tumblr « Paye ta shnek » recense les témoignages d’agressions sexuelles et de harcèlement dont sont victimes des femmes dans les transports en commun. La page Facebook se présente comme « un projet participatif contre le harcèlement sexiste dans les lieux publics que subissent les femmes de tous genres, de la part d’hommes. »
  • La France et la Grande-Bretagne, même combat…à quelques différences près. A Londres, le harcèlement et les agressions sexuelles dans les transports en commun font l’objet d’une campagne intensive. Le compte Twitter de la police des transports publie même des photos d’hommes qui agressent sexuellement des femmes. 

La très (trop?) récente campagne contre le harcèlement et les agressions sexuelles lancée à la fin de l’année dernière par le gouvernement a fait beaucoup de bruit pour un phénomène qui dure pourtant depuis des lustres. Les mentalités restent à changer du côté des hommes et des femmes pour une vraie lutte contre des actes souvent banalisés. 

*tous les prénoms ont été changés 

Ann-Laure Bourgeois